Digital A Love Story [PC]
Ce que vous propose Digital A Love Story c’est de vous envoyer cinq minutes dans le futur de 1988. À travers l’interface d’un ordinateur Amie (inspirée d’Amiga, forcément) découvrez une vaste conspiration sur internet, sauvez le monde en exploitant un buffer overflow, hackez le Gibson (le quoi ?) et peut-être même trouvez l’amour. Hé ben ça promet
Si on pourrait qualifier le titre d’être un Visual Novel. Ce serait en tenant compte qu’il ne répond à quasiment aucun des critères établit, au fil du temps, par le genre. Et qu’il ne faudrait donc se tenir qu’à la définition la plus simple. Il vous faudra, plutôt, ici arborer une culture informatique plutôt que celle de la japanimation.
Nul doute que si vous savez à quoi correspondent les termes baud, header, compilateur ou stdout au préalable, vous en apprécierez d’autant plus le jeu. Munissez vous, toutefois, d’un navigateur internet près de la fenêtre de jeu pour effectuer des recherches, les multiples références du jeu n’étant pas forcément évidentes au début
A la manière d’un Experience 112 ou, dans une moindre mesure, d’un In Memoriam, vous contrôlez l’interface d’un ordinateur
1988, c’est un peu près la date où les premiers ordinateurs ont pu se connecter au réseau ARPANET (qui deviendra internet), réseau jusque là réservé à un usage militaire. Vous venez de rejoindre la petite communauté (comptant un peu près 1000 âmes dans le monde) faisant parti de ce réseau communautaire naissant.
Vous décidez d’aller flâner sur le BBS local. Là-bas une utilisatrice nommé *Emilia partage un poème écrit par ses soins et exprime son besoin de le faire évaluer. Si vous décidez de lui répondre (le passage entre le moment où l’on souhaite répondre et celui où le message est envoyé étant à chaque fois coupé) la conversation se poursuivra un moment jusqu’à ce qu’une certaine relation s’établisse entre vous deux
A force de traîner sur cette board vous finirez par découvrir l’existence d’une autre, cette fois-ci warez qui vous fera de plus en plus tomber vers le coté obscur. Faire sauter le mot de passe d’un BBS avec une attaque par dictionnaire ou vous servir illégalement d’appel long distance n’auront bientôt plus de secret pour vous. Ce savoir acquis ne vous servira bientôt plus qu’à faire le beau, des vies sont en jeu et un terrible secret vous attend dans les tréfonds du net
Image droite : La renommée ça n’a pas de prix
Sur les BBS vous trouverez toutes sortes de sujets et de conversations, proprement inutile à l’aventure, portant sur des thèmes divers et variés : politique, mondialisation, téléchargement illégal de jeux, SF steampunk… Il y a un véritable soucis de respecter l’authenticité de l’internet d’autant. On peut d’ailleurs se demander si certaines lignes ne sont pas inspirés de message authentique, une allusion au site textfiles.com étant faites à la fin du jeu.
Là où le jeu force le respect c’est que l’autrice s’est entichée à créer une histoire surréaliste en mêlant des éléments historique et en respectant le plus possible le contexte de l’époque, ce qui démontre une certaine maîtrise du sujet. Quant à l’histoire d’amour qu’évoque le titre, elle repose sur tout un tas de cliché, mais l’écriture est suffisamment efficace pour encourager le joueur à poursuivre sa quête
Image gauche : Un pixel art de l’autrice apparaît sur ce portail, saurez vous faire face à l’horrible vérité ?
L’interaction est plus poussé que dans un Visual Novel classique, toutefois la linéarité des actions est plus grande que dans un point’n’click. Le schéma basique d’une session de jeu ressemble à : se connecter à un nouveau BBS en tapant son adresse, lire et répondre aux nouveaux messages, téléchargez les pièces jointes si incluses, envoyer des messages aux utilisateurs connectés, lire et répondre aux nouveaux messages… Une fois qu’il n’y a plus aucun nouveaux messages on se connecte à un autre BBS et on recommence. Il y a quelques énigmes mais rien de bien difficile pour le joueur qui aura lut consciencieusement tous les mails.
On dirait que je crache beaucoup sur le gameplay mais c’est juste pour éliminer les illusions de certains. L’idée est vraiment original et renforce beaucoup l’immersion même si les actions en sont réduite à leur plus simple expression. Petit détail sympa : le seul bruitage du jeu est la mélodie crissante du modem traditionnel se connectant à internet
Les musiques sont bien présentes dans le jeu, celles-ci se déclenchent lors de l’arrivé sur le bureau et il est possible de consulter celle en train de jouer en cliquant sur l’icone « Music ». Toutes ces dernières ont été reprise d’artistes les laissant en libre circulation (je vais finir par croire que c’est le lot commun de tous les jeux indépendant), elles arborent toutes un profil MIDI et leur lecture se déclenchent selon certaines actions (arrivée sur un nouveau BBS, lecture de certains messages…).
La musique par défaut (Stars Come Out par Brother Android) composé par un simili de piano et du bruit des vagues arrive plutôt bien à endosser son statut de musiques d’ambiance relaxante. Ensuite on a des thèmes un peu plus sombres comme Space Beacon par RadiantX ou Wake Up de Sanczo Zapienka. Les thèmes Disappointment par 8-Beat et Future, and It Doesn’t Work s’occupe de parachever brillamment l’oeuvre. Un petit mot, enfin, sur la musique Paper Dolls, qui est certainement la meilleure musique du jeu et que je vous invite à écouter, même si vous ne vous faites pas le titre, à cause de sa qualité. Musique très entraînante et électronique, elle ne se fait malheureusement entendre qu’une seule fois durant la traversée du cyberespace, certes à un moment crucial
Digital A Love Story est extrêmement court et l’indice de rejouabilité est proche de zéro. Mieux vaut donc prévoir plusieurs sessions courtes de jeu pour ne pas le finir en une grosse après-midi. Si vous avez accroché au concept, sachez qu’il existe deux « suites », « Don’t take it personally, babe, it just ain’t your story » et « Analogue A Hate Story », ouf
Mais en voila un Visual novateur et rafraîchissant. A travers l’interface d’un simili-Amiga, Digital A Love Story nous propose un voyage dans le temps très cohérent se finissant en SF surréaliste sans grand paradoxe. Le sujet étant maîtrisé et approfondit. Le titre est court et c’est là son défaut majeur mais on lui pardonnera car il est entièrement gratuit
Développeur : Christine Love
Année de sortie : 2010
Article publié originellement sur Gamekult le 24/07/2013