Silent Hill [PS1]

Trois ans après que Capcom ait officialisé le Survival Horror Resident Evil et un peu moins d’un an après sa récidive Resident Evil 2, Konami nous propose sa propre version de l’horreur.
Retour dans l’étrange petite ville de Silent Hill. Retour dans l’enfer ardant. Retour dans vos cauchemars les plus noirs.

Silent Hill est une petite ville à priori sans histoires dont la principale activité économique est le tourisme. C’est l’actuelle destination de Harry Mason et de sa fille Cheryl qui ont décidé de prendre des vacances tardives. Après un léger contretemps, Harry se retrouve à rouler de nuit, seul, sur une route à flan de colline. Seul ? Pas totalement car il se fait rapidement dépasser par une moto qu’il retrouvera, un peu plus tard, sans son occupant, abandonnée sur le bord du chemin. C’est alors qu’une jeune personne surgit au beau milieu de la route, Harry tente de l’éviter en faisant une embardée et quitte la route.
Il ne se réveille que quelques heures plus tard, s’extirpe de son véhicule et se rends compte qu’il est arrivé à sa destination initiale, laquelle est inhabituellement enneigée. Dans la forte brume, caractéristique de cette région, il aperçoit bientôt Cheryl qui disparaît aussitôt. Poursuivant sa fille, Harry s’enfonce de plus en plus dans le brouillard…

Le fond du scénario est très bon mais ce qui retient l’attention c’est surtout la façon dont il est mis en scène et l’insoutenable atmosphère du jeu.
L’histoire du jeu n’est donnée que par bribes et même la fin ne donnera pas toutes les réponses au joueur. Il faudra très certainement qu’il se refasse l’aventure pour connaître le fin mot de l’histoire.


Image gauche : Le brouillard, qui est inspiré du roman The Mist de Stephen King, sert intelligemment à cacher le clipping dû à la grandeur de la ville et tout ce qu’elle dissimule…

Si dans Resident Evil le mal était connu, dans Silent Hill le joueur se retrouve confronté à des monstres de chair aux apparences malsaines dont il ne sait rien.
Le joueur n’a aucun repère à Silent Hill. La ville est privée de ses habitants, remplacés par ces choses irréelles, et soumise à des perturbations climatiques inexpliquées. Certains de ses quartiers semblent s’enfoncer vers le centre de la Terre. Toutes les portes ne s’ouvrent pas dans Silent Hill et certaines salles n’ont pas besoin d’être visitées, qui sait ce que vous trouverez derrière ? Parfois certains passages vous renverront sur vos pas sauf que les lieux visités se changeront en des visions de cauchemar infernal. Enfin si vous perdez conscience ne vous étonnez pas de vous retrouver dans le dernier endroit où vous avez sommeillé, qui vous dit que tout cela n’était pas qu’un rêve ? (à moins que ce ne soit le début d’une autre rêverie ?).

La peur de l’inconnu atteint son paroxysme dans Silent Hill mais la peur est aussi dûe en grande partie à la méconnaissance totale du contexte dans lequel le joueur évolue. Les développeurs avoueront plus tard s’être aidés de conseils de psychologues pour concevoir leur jeu. L’un des concepts qui en est ressorti est que la plus grande peur de l’homme est que la réalité lui échappe. C’est exactement ce que le joueur ressent lorsqu’il joue à Silent Hill.


Image gauche : La chaise roulante est un symbole de la série

Techniquement je me suis déjà attardé sur les conditions météorologiques, brillamment gérées, ainsi que sur la modélisation de la ville, qui est gigantesque et que le joueur est libre d’explorer à sa guise, un fait rare et appréciable sur PlayStation. Le titre est également composé de plusieurs cinématiques, très réussies là aussi.
Quelque chose que je n’ai pas souligné, c’est que Silent Hill est entièrement en 3D contrairement à son homologue Capcomien composé de décors en 3D précalculée. On peut donc légitimement se demander si le travail artistique est à la hauteur sur une console connaissant le début de l’ère 3D. Et pourtant que ce soient les différents lieux traversés et leurs versions alternées, le bestiaire ou la galerie de personnages, la modélisation est toujours très réussie et contribue à renforcer l’ambiance dérangeante et malsaine du jeu. L’usage de la 3D impose d’avoir une caméra libre, mais de temps en temps le jeu impose ses propres angles de caméra, je pense notamment à un très beau travelling s’opérant en début de jeu dans un endroit exigu.


Image gauche : Piétinez les ennemis pour les achever lorsqu’ils sont à terre

On en arrive au gameplay qui n’est pas le plus gros point fort de Silent Hill mais qui est rempli de bonnes idées. Le maniement est intentionnellement rigide, comme le dit le manuel d’instruction. Harry n’est pas un militaire super entraîné et ça se ressent. Si Silent Hill dispose de l’avantage de pouvoir tirer tout en marchant, ce que ne propose pas Resident Evil, le système de visée est bien moins efficace et il est assez marrant (et réaliste) de voir Harry gaspiller une quantité importante de balles avant de réussir à toucher un ennemi volant, par exemple.
Des balles, il ne faudra pourtant pas en gaspiller car vous aurez une quantité limitée de munitions et de soins disponibles dans le jeu. Cependant là où Resident Evil posséde un coté survival plus poussé en limitant le nombre d’objets transportables, Silent Hill ne s’en embarrasse pas et vous pouvez avoir autant d’objets que vous voulez et sauvegarder autant de fois que voulu, cela étant certainement fait pour ne pas briser le rythme du jeu.
Mais pour en revenir au système de visée, celui-ci possède une défaillance majeure et qui ne relève pas de la contrainte imposée : la visée automatique ne s’effectue pas forcément sur les ennemis les plus proche. Ainsi si Harry a affaire à plusieurs ennemis, il peut très bien décider de prendre pour cible l’ennemi le plus éloigné au lieu de celui qui est à quelques centimètres de lui et qui s’apprête à l’attaquer… Le système possède toutefois une feature intéressante, si le joueur garde en joue plusieurs secondes l’ennemi avant de tirer alors il augmente ses chances de toucher l’ennemi et de lui faire plus de dégâts.

Venons-en à l’armement, Silent Hill n’est pas exactement le genre de jeu où on explose tout ce qui passe à coups de bazooka et d’AK-47 et, ce qui est normal, le nombre d’armes à feu est limité, bien qu’on s’en serve énormément. Par contre il y a pas mal d’armes de mêlée disponibles, celles-ci sont intéressantes pour ne pas gaspiller de munitions et peuvent vous aider à tuer efficacement les monstres dans l’obscurité, par exemple.


Image gauche : L’énigme du piano est très recherchée.
Image droite : Un gros effort a été fait sur les premiers instants du jeu.

Le jeu possède de vastes niveaux et l’exploration est une part importante de celui-ci, vous serez ainsi amenés à consulter la carte plus d’une fois.
Les niveaux disposent d’énigmes et, contrairement à la licence de Capcom, les énigmes ne sont pas basses de plafond. Elle nécessitent une véritable réflexion du joueur et peuvent le bloquer durant un moment, néanmoins certaines sont vraiment bien trouvées et je n’ai jamais eu besoin de soluce pour finir le jeu, rien à redire donc.

Si j’ai fait état plus tôt du fait d’attaquer les ennemis dans l’obscurité, c’est que c’est une particularité intéressante du jeu. Le titre se passe très souvent dans le noir le plus complet et pour y voir clair, vous possédez une lampe. Cette dernière n’est pas que bénéfique puisqu’elle aide les ennemis à vous repérer. C’est ainsi que le jeu vous incite à plonger dans les ténèbres pour ne pas vous faire repérer. Bien sûr, dans cette situation, votre champ de vision ne dépasse pas les deux mètres et les choses continuent à vous repérer par les bruits que vous faites, certes dans une moindre mesure. Encore une chose qui renforce l’ambiance du jeu au même titre que la vulnérabilité d’Harry due à son manque d’expérience dans les combats.

Lorsque vous vous baladez dans la ville il est très difficile de savoir si un danger se présente devant vous à cause du brouillard, qui est présent pour masquer la faible distance d’affichage dont est capable la console. C’est ainsi que les développeurs ont trouvé une autre feature intéressante pour compenser le manque de visibilité. Et celle-ci parvient en plus à contribuer à l’ambiance sonore d’une fort belle manière (décidément ils sont très forts). Il s’agit de la radio, celle-ci effectue des crissements (bruits blancs), lorsque vous êtes à proximité d’un ennemi en vie.

Et en parlant de la réalisation sonore celle-ci est quasiment parfaite. Il existe énormément de musiques ou de bruits de fond qui sont angoissants et oppressants à souhait. Comme si ça ne suffisait pas Silent Hill possède quelques musiques qui sont écoutables en dehors du jeu, ce qui est très rare pour un Survival Horror et ces dernières sont vraiment bonnes. Je pense notamment au « thème de Lisa » qui intervient à un certain moment du jeu, vraiment très beau et touchant quand on l’écoute dans le jeu.
Les bruitages sont aussi très présents et opèrent dans des endroits très précis, je n’ai pas besoin de préciser pourquoi…

Le point noir de cette réalisation sonore se situe dans les doublages anglais. Ceux-ci collent plutôt bien aux personnages mais certains d’entre eux sont mal interprétés et leur jeu est parfois dénué d’émotion. Ça reste très suffisant et ne nuit pas grandement à la qualité du jeu.

Silent Hill n’est pas spécialement difficile si vous économisez un tant soit peu vos munitions et objets de soin, il y a quand même moyen de mourir plusieurs fois durant le jeu et de rester bloqué un petit moment sur les énigmes mais c’est bien tout.
Il faut un peu plus d’une dizaine d’heures pour voir le bout de Silent Hill mais celui-ci est composé de plusieurs fins. Pour accéder aux autres fins, il faut effectuer des actions particulières vers la fin du jeu en ayant pris soin de récupérer un objet très spécifique au milieu de l’aventure. Après avoir effectué ces actions vous pouvez en apprendre plus sur l’histoire, avoir une meilleure fin et affronter un autre boss final. J’ai atteint les quinze heures de jeu pour voir les quatre fins principales, en sachant que j’avais récupéré le dit objet et fait plusieurs sauvegardes.
Une fois terminé, le jeu vous propose de recommencer en ayant des armes bonus et en pouvant avoir une fin bonus. Silent Hill possède aussi un système de ranking ayant lieu en fin de jeu, à l’instar de Resident Evil.

Silent Hill est doté d’une maniabilité perfectible et c’est bien la seule chose qu’on pourrait lui reprocher, même si c’est une contrainte entièrement assumée. Tout le reste, gameplay, réalisation sonore, technique, graphique… est, à quelques exceptions extrêmement mineures, exempt de reproche et nombre d’éléments contribuent à renforcer l’atmosphère malsaine et terrifiante du jeu.
Si Resident Evil était une étape importante dans le Survival Horror, Silent Hill en est une tout aussi importante car il apporte la véritable peur, celle qui ne s’appuie pas sur des mécaniques classiques de films d’horreur mais celle plus psychologique, plus suggérée. La preuve en est l’absence totale de peur panique ici, le titre possédant une réalité quasi-métaphorique, pouvant même être comparée à une œuvre de David Lynch.
Là où la licence de Capcom pouvait se targuer de divertir efficacement le joueur, celle de Konami fait office de véritable expérience pour celui-ci, les dix heures passées y sont intenses et délectables au possible.
Un des meilleurs jeux de la console et un jeu à faire si vous n’avez pas déjà touché à un Silent Hill.

Développeur : Konami
Date de sortie : 1999
Article publié originellement sur Gamekult le 05/09/2013