Madworld [Wii]

No More Heroes avait prouvé que la Wii pouvait accueillir des titres chargés d’hémoglobine. Les consommateurs européens, frileux de voir ce genre de jeux sur une console familiale, s’étaient retrouvés avec une version censurée. Un an plus tard, le nouveau né PlatinumGames (à qui l’on devra Bayonetta et Vanquish, tout de même) retente le pari en nous produisant un jeu plus gore et plus sadique que celui de Grasshopper.

Varrigan City est coupée du monde ! Dorénavant dirigée par des terroristes, cette ville fictive est désormais le lieu de tournage d’un jeu télévisé où les participants doivent s’entretuer pour monter dans le classement. Celui qui atteindra la première place gagnera le DeathWatch. Au milieu de ces tueries sanglantes, Jack, un homme un peu sorti de nul part progresse dans la partie tel une étoile montante. Mais qui est vraiment cet homme à la tronçonneuse sur le bras ?

Voilà pour le pitch qui me fait pas mal rappeler celui de Smash TV, si on reste dans le milieu vidéoludique.
Le moins qu’on puisse dire en ayant joué au jeu c’est que son univers est incohérent et peut se diviser en deux parties bien distinctes :
– D’un côté, on a une trame super sérieuse et complexe narrée lors des cinématiques : avec complots, implication du gouvernement, identités secrètes, virus, visions philosophiques en veux-tu, en voilà… Ça fait cliché vu comme ça mais ça reste sympa.
– Et de l’autre, on a un jeu barré, fun et décomplexé que ce soit par les discours orduriers ou les blagues lourdes et grasses des commentateurs omniprésentes (car commentant chacune de vos actions), les défis sanglants présentés par le Baron Noir (une caricature de mac afro-américain se faisant tuer à chaque fois par son assistante, dans le défi en question), les exécutions et objets ridicules ou le bestiaire composé de punks mais aussi de créatures mystiques : zombies, ninjas… Quand on n’affronte pas des boss aux pouvoirs mystiques et capacités quasi-surnaturelles : cowboys à rollers, punks à la batte au look trollesque, voir même une meute de loups garous et bien pire…

On se doute bien que la trame et le jeu n’ont pas été développés toujours en même temps, ou du moins, ensemble, mais pour une fois je dois avouer que la formule « deux en un » prend bien.

Côté réalisation, le parti pris graphique monochrome ne vous aura pas échappé. Seul le sang et quelques onomatopées redonnent un peu de couleur à cet univers morose. Alors est-ce pour atténuer la censure ? Ou au contraire faire un contraste et accentuer l’action et la surenchère d’hémoglobine un peu comme avait fait Sin City en son temps ? Ou bien, d’une manière plus pessimiste, est-ce juste un cache-misère pour permettre de faire tourner le titre sur la faible Wii ? Difficile à dire, mais Madworld réussit ses objectifs avec les honneurs.


À gauche : Les cinématiques sont un mélange de 3D et d’artworks 2D à la façon d’une BD. Les couleurs seraient-elles un hommage aux vieux illustrés composés de deux couleurs pour des raisons évidentes de budget ?

Allez, venons-en au gameplay. Madworld est un de ces beat them all pur jus axés sur le scoring que vous augmentez avec le style. Pourtant ici, nul besoin de faire des myriades de combos avec des enchaînements de touches vous donnant mal à la tête : prenez un vieux pneu, enfilez-le sur un malfrat pour qu’il ne puisse plus rien faire, passez-lui un masque rigolo puis faites-lui traverser littéralement un parcmètre dans la tête. Alors qu’il titube et vit encore, on ne sait trop comment, prenez-le, puis faites-le valdinguer, de préférence horizontalement pour attirer tous ses potes avec lui, vers une scie sauteuse, un pressoir, une benne pour « déchets humains », qui ne manquera pas de couper ce qui dépasse en se refermant, ou tout autre endroit où l’atterrissage est des plus dangereux. Vous pourrez aussi effectuer diverses exécutions en portant votre victime vers des endroits à risque, soyez imaginatifs ! En suivant ces étapes vous êtes sûrs de marquer des points.

Voilà donc pour le principe. À chaque niveau, vous serez lâchés dans une zone remplie d’ennemis et de choses dangereuses un peu partout, où vous pourrez vous balader un peu n’importe où. Faites grimper votre score et vous aurez accès à des armes bonus, des défis sanglants puis finalement au boss. Vous aurez également quelques phases en moto, assez sympathiques, dans le même principe.


À gauche : Les défis sanglants consistent à écraser le plus d’ennemis sous une presse, à lancer des opposants sur une cible géante ou encore à atteindre des cibles avec l’aide de la tête des ennemis plaqués par terre et d’un club de golf

Pour les autres mouvements que je n’ai pas évoqués : Jack peut, en sus des coups classiques à mains nues, sauter, courir, attaquer en ruée, esquiver (il n’y a pas de bouton de garde, l’esquive est donc le seul moyen d’éviter les attaques) et… et… en maintenant le bouton B sortir sa tronçonneuse et découper les ennemis à tout-va. Toutefois faire attention à cette fonction, puisque la tronçonneuse surchauffe une fois sortie trop longtemps.

Bien sûr, il fallait que les fonctions de la Wii soit mises à contribution, et celle-ci contribue d’une fort belle manière à renforcer l’action du jeu. Déjà, pour les mouvements que l’on effectue le plus souvent : l’esquive sera utilisée par le mouvement vertical du Nunchuk, alors que les différents mouvements des armes, tronçonneuse et uppercut/crochet seront déclenchés par les mouvements de la Wiimote.
Ensuite, pour les exécutions et autres QTE qui vous demanderont d’effectuer un cercle (d’ailleurs le lancer d’ennemis est vraiment bien foutu, on ne rate quasiment jamais sa cible), de balancer la manette d’un côté à l’autre ou de secouer les manettes frénétiquement lors des bras de fer. Petite chose sympa, au passage : le haut-parleur de la manette fera cracher les sons de la tronçonneuse lorsqu’elle sera utilisée.


À gauche : Lancez une valise d’argent et regardez tous les ennemis s’attrouper, trop affairés à ramasser les billets verts pour se préoccuper de ce que vous allez leur faire subir

Concernant la partie sonore. Les doublages anglais sont très convaincants… pourquoi je dis anglais ? Car il est assez amusant de voir que Madworld est un énième jeu à proposer un doublage français et anglais en même temps ! Parfois ce phénomène se produit lorsque l’on veut proposer une version française intégrale mais qu’on ne peut retoucher certaines pistes son. Ici, c’est le phénomène inverse : le fait de ne pas pouvoir mettre des sous-titres durant les phases jouables oblige à le redoubler complètement (anecdotiquement et dans un registre complètement différent, c’est ce que proposait Grandia : les voix anglaises 99% du temps et les voix françaises lors des quelques cinématiques du jeu).

Pourquoi j’ouvre cette parenthèse ? Comme pour l’ambiance générale du jeu, le contraste est relativement marqué encore une fois, mais cette fois-ci au niveau localisation (décidément la molette Brightness devait jouer du yoyo). Mais encore une fois la formule deux en un prend bien et les doublages français sont aussi bons, tout en assurant un confort au joueur qui n’aura pas à zieuter le bas de l’écran toutes les cinq secondes pendant qu’il joue pour savoir ce qui se dit.

Et les musiques ? Du rap US bien lourd, un choix audacieux pour un BTA aussi violent, mais qui ajoute un plus indéniable à l’atmosphère dure et urbaine du jeu, tout en étant en accord avec les différents niveaux.
Un avant-goût de la BO du jeu : « Ain’t That Funny« , « come with it« , « Survival« , « MAD WORLD« , « You Don’t Know Me« .

Et qu’est-ce qui peut venir perturber tout ça ? Je veux dire, Madworld est l’archétype de l’exutoire déjanté que l’on joue après une dure journée de boulot (j’en fais pas un peu trop là ?) et il ne démontre pas de signe de lassitude. Ben, c’est justement une durée de vie plus que maigrichonne. En effet, comptez cinq à sept heures pour en voir le bout, c’est peu. Il y a bien quelques éléments de rejouabilité : le mode multijoueur permettant de s’affronter dans les défis sanglant déverrouillés, un autre mode de difficulté et deux nouvelles armes quand vous finissez le jeu. Vous pouvez aussi refaire les niveaux pour augmenter votre score ou réduire votre temps dans certains cas. Bon, c’est pas ça qui va sauver le jeu mais c’est au moins ça.

Cette faible durée de vie peut aussi être expliquée par la difficulté du jeu, qui fait plus office de divertissement qu’autre chose. Je vous conseille, si vous voulez rentabiliser le titre, de ne pas utiliser les continues mis à votre disposition. Ça vous permettra, au moins, de vous familiariser avec les patterns des boss et de chercher les meilleurs moyens pour gagner des points.

Madworld a tout pour lui sauf la longévité. Sorte d’exutoire à l’atmosphère fun et décomplexée où l’on est sûrs de s’amuser à partir du moment où l’on adhère un tant soit peu au délire du jeu. Il se savoure d’un trait et ne laisse pas indifférent.

Développeur : PlatinumGames
Date de sortie : 2009
Article publié originellement sur Gamekult le 30/06/2013