Professeur Layton et la Boîte de Pandore [NDS]

Qui ne connaît pas le professeur Layton ? En six ans la série dont il provient se sera classée parmi les jeux d’aventure les plus vendus de la DS et il est probable que si vous demandiez à vos grands-parents de citer des héros de jeux vidéo, le professeur d’archéologie anglais au haut-de-forme soit une des premières réponses citées. La référence à vos aïeuls n’est pas fortuite, en effet les deux genres de jeux composant la série ont contribué grandement à sa popularité au sein du public casual.
Pour rappel, les Professeur Layton constituent un savant mélange entre jeu de réflexion, le fait d’entraîner son cerveau étant alors très en vogue chez les personnes âgés avec des jeux comme Dr Kawashima ou Cérébrale Académie, et jeu d’aventure puisque le jeu emprunte pas mal au point’n’click, voir au visual novel. Pour l’anecdote, la série avec celle des Ace Attorney aura même contribué au renouveau du jeu d’aventure sur console avec des séries comme Another Code, Hotel Dusk ou 999.
Après un premier épisode vraiment atypique et ayant eu un succès monstre, la portable à deux écrans de Nintendo accueille le deuxième épisode de la série, sous-titré « La Boîte de Pandore », que vaut-il ?

Un an après les événements du premier opus, le professeur Layton reçoit une lettre de son ami et mentor, le docteur Andrew Schrader, ce dernier y affirme avoir trouvé le coffret céleste, un artefact dont la réputation est de provoquer la mort de quiconque essaye de l’ouvrir et auquel on a donné le surnom de boîte de Pandore en conséquence. Schrader ayant décidé de percer le secret du coffret en l’ouvrant, il est retrouvé mort dans son appartement deux jours plus tard, l’artefact semblant avoir été volé. Sur les lieux, le professeur et Luke, son apprenti, ne retrouvent qu’une photo déchirée et un ticket sans destination pour le Molentary Express. Nos deux compères s’embarquent alors dans la locomotive, bien décidés à percer ce mystère.

L’intrigue d’un Professeur Layton se base toujours sur un mystère à résoudre prenant typiquement la forme d’un objet à trouver et dont l’emploi demeure inconnu, la structure scénaristique est la même que n’importe quelle œuvre policière (le Molentary Express semble d’ailleurs être une référence directe aux romans d’Agatha Christie).
Mais plus encore, au fur et à mesure que le joueur tentera d’obtenir des réponses pour dénouer le cœur de l’intrigue il se heurtera à d’autres questions : « Qui a volé le Coffret Céleste ? », « Quel sont les projets de Mr Bélouga, le propriétaire du Molentary Express ? », « Qui est Katia ? Et quel est son rapport avec l’artefact ? ». Autant d’interrogations qui trouveront, comme vous pouvez l’imaginer, leurs réponses au fur et à mesure de l’aventure.
Chacun de ces mystères est visible dans une table des mystères et accessible à n’importe quel moment du jeu, ce qui incite le joueur à s’interroger et lui permet de trouver des réponses à ses questions avant qu’elles ne soient données. D’entrée de jeu le scénario lui-même se pose comme un casse-tête que doit résoudre le joueur, le genre policier était définitivement un bon choix pour coller avec l’aspect réflexion du titre.

Une des forces de la série est de proposer un énorme casting de personnages, à la personnalité et aux apparences très diverses. Cette profusion de personnages était rendue permise dans le premier opus par le fait que l’aventure se passait exclusivement à huis clos, dans un village (Saint-Mystère) dont il fallait explorer les moindres recoins et donc où il fallait faire connaissance avec la populace locale. Ici, les développeurs ont réussi à inclure la même quantité de personnages sinon plus en faisant traverser au joueur trois environnements bien distincts, on retrouve donc : le Molentary Express, le village bucolique de Dropstone, qui rappelle indéniablement le charme français de Saint-Mystère, et enfin une ville de strass et paillettes où la nuit ne tombe jamais, dont je tairai le nom pour éviter de spoiler. Cette dernière destination instaure des éléments fantastiques bienvenus au sein de l’intrigue.

Maintenant si l’ont doit comparer La Boîte de Pandore à L’Étrange Village, on se rend compte qu’il y a une construction scénaristique moins étoffée dans ce deuxième épisode. Les signes ne manquent pas, on pense à un mystère de la table des mystères n’ayant rien à voir avec l’affaire ou à la scène de désignation du coupable, similaire au premier opus mais dont la conclusion est, cette fois, complètement téléphonée.
Cette construction était un point très important du premier opus, en effet, celui-ci nous dévoilait un des mystères semblant être le principal peu de temps avant la fin, en gardant sous le coude pas mal de mystères non résolus, lorsque le joueur atteignait enfin le twist final toutes les réponses aux questions laissées en suspens étaient données et il ne pouvait que resté bouche bée devant le travail accompli.
La Boîte de Pandore dispose d’une recette semblable distillée à moins forte dose CEPENDANT, le titre dispose d’une ambiance et surtout d’une fin qui sont bien plus portées sur l’émotion et sur ce point il arrive à égaler son aîné en terme de qualité dramaturgique. En somme, cet épisode vous mettra moins sur le cul mais vous donnera plus envie de pleurer.


Un air de ressemblance ?

La patte graphique de la série est une des raisons de son succès. Là où les jeux d’aventure du support se parent d’un style Manga qui n’est pas forcément du goût de tout le monde, Professeur Layton se démarque par un style BD franco-belge dont sont bien plus friands les occidentaux et qui est justifié par le fait que les aventures du professeur se passent majoritairement en Europe, d’où il est originaire. De plus, la série arbore un chara design minimaliste qui est plus apte à correspondre au plus grand nombre, il suffit de voir Layton pour s’en convaincre : une paire d’yeux pouvant se résumer à deux points, un nez et une bouche formés d’un ligne chacun et des détails inexistants, c’est bien simple on le croirait sorti d’une bande dessinée d’Hergé ! Cette esthétique épurée des personnages est compensée par le fait qu’ils évoluent dans des décors très travaillés. La dernière spécificité des personnages est qu’ils sont complètement caricaturaux : les proportions sont souvent exagérées et ils ont parfois des têtes d’animaux, l’allure de certains prête même à sourire et cette dernière composante se charge de donner une véritable identité visuelle à la série.


Image gauche : Vous ne le voyez pas sur cette capture mais le paysage en arrière plan défile grâce à une superbe animation.

Le style artistique n’a pas changé d’un iota dans cet épisode, même si on peut noter anecdotiquement la présence de deux personnages principaux possédant une influence Manga manifeste. Non, ce qui a changé et je dirais même évolué, c’est la réalisation technique, à cause, très certainement, d’un nouvel apport de moyens suite aux ventes du premier opus. Les sprites des personnages sont d’abord plus grands et occupent maintenant une grande partie de l’écran, les animations de ces derniers sont plus présentes et composées de plus d’images. Même chose pour les animations des décors qui étaient déjà bluffantes à voir sur la console dans l’Étrange Village. Enfin, les cinématiques sont également bien plus présentes (elles occupent au total le double de temps) et prennent cette fois toute la largeur de l’écran.

Ah les cinématiques, il fallait absolument que j’en parle. Vous souvenez-vous des cinématiques sur GBA ? Il y a peu de chance, seule une poignée de jeux en comportait et encore, de façon restrictive. Non pas que la grande sœur de la DS était incapable d’afficher des vidéos, bien loin de là, mais la faible capacité mémoire des cartouches avait toujours été un frein à cela. Les jeux Professeur Layton sont souvent cités comme ceux possédant les meilleurs scènes cinématiques de la console et ils font donc figure de véritables vitrines technologiques pour le support. Les scènes sont dessinées à la main, très bien animées et sont souvent de toute beauté. Le seul bémol que je leur trouverai est l’utilisation de modèles 3D pour représenter certains objets en mouvement, défaut qu’on espère voir s’estomper par la suite dès lors que Level 5 possédera les fonds nécessaires. Ne gâchons pas notre joie toutefois, c’est un vrai petit dessin animé qui nous est offert avec le jeu.

Pour rendre la série encore plus accessible au grand public, La Boîte de Pandore a été entièrement doublé en français et c’est sûrement là la plus grosse nouveauté du titre. Le doublage apporte un gain de confort agréable et est plutôt bon dans l’ensemble, on pourra toutefois pester de la voix française de Layton qui correspond un peu moins au personnage : elle est plus jeune, possède moins de sagesse et n’a pas l’accent British de sa consœur anglaise figurant dans l’ancien épisode. À noter que les doublages ne se font plus seulement entendre dans les cinématiques puisqu’ils apparaissent également lors de certaines scènes de dialogues importants, un plus agréable.


Image gauche : La forêt sombre est un environnement magnifique et dispose d’une musique envoûtante.

Les musiques s’ancrent dans le registre classique et sont majoritairement jouées par le trio accordéon, piano et guitare. On retiendra quelques musiques comme le « Layton theme« , jouant à l’écran titre (n’hésitez pas à le laisser tourner une fois le jeu fini !) ou le « thème de Folsense » empreint de mélancolie et se chargeant de donner cette atmosphère si émotionnelle au jeu, un effort a également été fait pour les musiques de fin de jeu (« Histoire de la ville« , « Forêt obscure« , « Sentiments inavoués » ou « Château lugubre« ) et on retrouve enfin des reprises sympathiques (« Thème de Don Paolo » et « Au cœur des ténèbres« ). La musique jouant durant les énigmes est quasiment la même que celle du premier épisode (je n’ose même pas appeler ça une variation), elle est loin d’être mémorable mais elle est tellement minimaliste qu’elle a la faculté de pouvoir être écoutée un grand nombre de fois tout au long de l’aventure sans montrer signe de lassitude.
Les point’n’click ne sont pas souvent reconnus pour leurs musiques, il est bon de le rappeler, si les musiques sont de bonne, voir de très bonne facture ici ce n’est pas un hasard, Level 5 est connu pour ses RPG japonais et le compositeur du studio et de la série Professeur Layton, Tomohito Nishiura, était déjà connu pour avoir composé les musiques de Dark Cloud et de Rogue Galaxy.

Le jeu est composé de deux parties bien distinctes comme je l’ai déjà dit : une partie aventure composée de phases d’exploration et de dialogues et une partie réflexion composée des énigmes et des mini-jeux que propose le titre.
Il y a bien peu de choses à dire sur les phases d’exploration. Elles sont semblables à celles qui composent tout bon point’n’click, à la différence près qu’il n’y a pas d’objets indispensables à la quête récupérables dans les décors et qu’il est donc impossible d’être bloqué par le manque d’un objet. Il est toutefois possible de récupérer des « pièces SOS » planquées dans les différents écrans, ces dernières servent à acheter des indices lors de la résolution d’énigmes. La progression est très linéaire et il semble impossible de se perdre dans les niveaux, ces derniers n’en sont pas pour autant des lignes droites et ils peuvent être composés de multiples embranchements, ce qui rend très agréable leur traversée. À noter que dans cet épisode le joueur est plus pris par la main car des indications très concises lui sont régulièrement données sur les destinations à atteindre ainsi que sur les indices laissés par les personnages.


Image gauche : Une énigme à première vue difficile mais pourtant très simple.

Au fur et à mesure de votre avancée vous serez confrontés à certains problèmes qui seront modélisés sous la forme d’énigmes et que vous devrez absolument résoudre pour pouvoir continuer. Diverses personnes vous poseront également des énigmes n’ayant pas d’influence directe sur le jeu, certains passages du jeu vous demanderont toutefois un quota minimum d’énigmes résolues avant de pouvoir être traversés. Si l’implémentation des énigmes était parfaitement justifiée scénaristiquement au sein du premier épisode, les développeurs ont eu du mal à justifier leur présence dans ce second opus, ainsi on retrouve des énigmes qui n’ont parfois pas grand chose à voir avec le contexte, des énigmes qui déboulent de n’importe où et soyez sûr que toute personne que vous croiserez dans le jeu sera férue d’énigmes (ce doit être un sport national), un peu dommage.


Image gauche : Les énigmes de type « trouvez l’erreur » sont parfois presque au pixel près, il va falloir faire travailler votre sens de l’observation.

Toute énigme est accompagnée d’un énoncé, à partir de celui-ci il peut vous être demandé : de repérer un certain détail sur une image, d’écrire un nombre, de choisir une des réponses proposées, etc. Vous avez également des jeux faisant plus appel à la manipulation : jeu de taquin, puzzle, délimitation de zone dans une surface quadrillée, jeu de labyrinthe avec règles spéciales (passer par certains points avant d’atteindre la sortie), variantes de jeu d’échecs et de casse-tête de type solitaire…
Level 5 n’a rien inventé mais le studio a fait une bonne compilation de problèmes et de casse-têtes de tout temps et qui ont fait leurs preuves, en les remettant au goût du jour.
À noter et c’est très bien, que répondre faux sur une énigme vous fait perdre des points (picarats), à la fin du jeu il vous faudra un certain nombre de points pour débloquer tous les bonus. Si vous ne vous prenez pas au jeu et n’essayez pas de réfléchir, en donnant des réponses au hasard, alors vous serez bon pour recommencer le jeu si vous voulez tout débloquer. C’est un moyen efficace d’empêcher les joueurs de résoudre des énigmes de type QCM en moins d’une minute avec une méthode empirique.

Le jeu comporte, comme le premier opus, des mini-jeux de réflexion à pratiquer régulièrement qui apportent un peu de fraîcheur à l’ensemble. Le jeu « Appareil photo » consiste à assembler des pièces trouvées durant l’aventure pour recréer un appareil photo, une fois le puzzle résolu et l’appareil reconstitué, ce dernier vous permettra de prendre des photos de certains endroits. Chaque photo prise débloque un jeu de type « trouvez l’erreur » qui permet lui-même de débloquer une énigme cachée. Le jeu « Hamster » quant à lui, vous demande de faire perdre du poids à un rongeur en lui faisant parcourir le plus possible de cases sur un terrain quadrillé, à noter que le jeu est entièrement modélisé en 3D. Enfin le « Service à thé » vous propose de créer différentes recettes de thé à partir de combinaisons d’ingrédients, faire goûter certains thés à certains personnages peut vous faire gagner des énigmes cachées.

Il faut compter entre dix et quinze heures pour arriver au bout du jeu, cela peut sembler peu mais à l’aventure principale se rajoutent toutes les énigmes du jeu, les mini-jeux, les énigmes hebdomadaires, les « Défis du professeur » (des énigmes vraiment corsées),etc. Il faut donc compter au moins dix bonnes heures de plus pour finir le titre à 100%.
Les énigmes hebdomadaires, qui étaient déjà présentes dans Layton 1, sont des énigmes en plus qui paraissaient au rythme d’une énigme par semaine après la sortie du jeu pendant presque un an, une très bonne idée. À noter anecdotiquement la présence de deux énigmes bonus se débloquant si vous avez déjà joué aux épisodes un et trois.
Enfin, je termine avec les bonus, ceux-ci font vraiment penser à ceux des visual novels, on y trouve une galerie de CG, un jukebox ou encore la possibilité de revoir toutes les cinématiques, miam.

Toujours doté d’une réalisation artistique atypique et travaillée, de musiques de très bonne facture, d’animations et cinématiques bluffantes, d’un gameplay original car mêlant aventure et réflexion, cet épisode apporte également une durée de vie encore plus colossale et l’accessibilité avec un doublage entièrement français et une progression plus guidée. Le scénario y est toujours très bon, moins bien construit que le précédent opus mais plus émotionnel. Si vous êtes déjà passé par le premier épisode et que vous l’avez aimé un tant soit peu, je ne peux que vous conseiller d’enchaîner sur celui-ci, si vous jouez très peu aux jeux vidéo mais que la série vous intéresse, Professeur Layton et la Boîte de Pandore est un bon épisode pour commencer car étant un peu plus accessible que son grand frère.

 

Toute énigme a une solution.

 

Développeur : Level 5
Date de sortie : 2009
Article publié originellement sur Gamekult le 03/01/2014