Muramasa The Demon Blade [Wii]

Entre un Odin Sphere aux inspirations scandinaves et un Dragon’s Crown plongé dans un monde médiéval fantastique, les développeurs Vanillaware ont réalisé un des jeux les plus emblématiques de la Wii se nommant Muramasa The Demon Blade. Si vous ne connaissez pas les développeurs ni aucun de leurs jeux, sachez que ce sont des anticonformistes qui s’acharnent à pondre des jeux 2D somptueux résolument rétro et prenant chaque fois place dans un univers différent comme mentionné plus haut. Muramasa n’échappe pas à cette règle et est un beat them all RPG se passant dans le Japon féodal fantastique.
Un remake est récemment paru sur Vita, ce qui est une bonne occasion pour revisiter ce classique.

J’en profite pour expliquer rapidement les différences entre la version Vita et la version Wii. Sur la portable de Sony, le titre porte le nom de Rebirth car les développeurs ont légèrement changé les dialogues et l’histoire pour plus coller à ce qu’il voulaient au départ, une espèce de version Director’s cut en gros. La mouture portable dispose également de DLC et est restée en anglais alors que la version Wii dispose d’une traduction française (assez perfectible cela dit).

L’histoire est divisée en deux parties, chacune correspondant à l’un des deux principaux protagonistes. Le jeu vous permet de continuer l’histoire que vous voulez à chaque chargement de partie, ce qui est très appréciable.
Le premier scénario suit l’histoire de Momohime, une très jeune et jolie princesse n’ayant aucune expérience du combat et étant totalement inoffensive jusqu’au jour où son corps se retrouve contrôlé par l’âme d’un épéiste mourant nommé Jinkuro. Pour se sauver et atteindre l’immortalité, Jinkuro devra retrouver l’épée de légende Kuzuryu.
Le second scénario suit l’histoire de Kisuke, un ninja amnésique maîtrisant le même style de combat que Jinkuro (le style Oboro) et accusé de crimes dont il a oublié l’existence. Au cours de son histoire, il se rappellera être lié à Torahime, la gardienne de l’épée Kuzuryu, je n’en dis pas plus.
Les deux personnages seront en contact avec une bande de kitsune leur permettant d’invoquer l’esprit de Muramasa, un illustre forgeron forgeant les demon blades dont le jeu tire son nom et une de ses mécaniques de gameplay les plus importantes.

L’histoire nous verra vagabonder aux 4 quatre coins du Japon et au-delà et nous fera rencontrer toutes sortes de personnages atypiques et fantastiques. Cependant si le scénario est bien écrit, comporte quelques rebondissements et beaucoup de références aux mythes et à l’ancienne culture japonaise, il n’a pas beaucoup d’ambition et ne va pas chercher trop loin. En conséquence, on s’attache beaucoup aux personnages, on est intéressé de voir ce qui va leur arriver jusqu’à la fin (voir dans les multiples fins), mais force est de reconnaître que le scénario n’est pas l’attrait principal du jeu, il est bon mais pas exceptionnel.

Venons à la réalisation. Visuellement, il n’y a pas grand-chose à redire, la 2D est impeccable, le jeu est extrêmement bien animé, les décors sont somptueux et variés, proche de peintures animées, on est ébahis à chaque nouveau décor, bref grosse claque. Le jeu est en partie inspiré des estampes japonaises nommées Ukiyo-e et plus particulièrement celle de l’artiste Hokusai, je vous invite à aller visiter quelques galeries d’images d’Ukiyo-e après avoir fini le jeu, vous retrouverez beaucoup de décors de Muramasa dans ces œuvres.

Côté musiques, on a droit à des musiques d’ambiance de très bonne facture et qui collent parfaitement aux situations, mention pour le thème Dim Twilight A, très rythmé et très nippon ainsi que pour le mélancolique thème Tacit Understanding. Je me suis rendu compte que certaines musiques changeaient en temps réel lorsqu’un combat s’amorçait, pour devenir par exemple plus rythmées ou plus sombres, très agréable ! Le jeu est entièrement doublé en japonais et ce même dans sa version française, ce qui ajoute un énorme plus à l’ambiance compte tenu du contexte, c’est une véritable chance de ne pas avoir écopé d’un doublage anglais, ce qui se faisait encore beaucoup à l’époque.

L’ambiance japonaise féodale et mythologique est parfaitement retranscrite dans le jeu, si vous aimez cette culture ou la belle 2D, jetez-vous sur le jeu, vous ne serez pas déçus.

L’attrait principal du jeu pourrait être considéré à première vue comme étant l’ambiance qui en émane et sa réalisation artistique de très haute volée mais pour moi il y a quelque chose qui surpasse cela, c’est le gameplay.

Quand je parle du gameplay, je parle de celui au sein des phases de combat, qui représentent le cœur du jeu. Les possibilités sont nombreuses, sur terre, il est possible d’esquiver sur les côtés, de porter des attaques simples ou plongeantes, d’effectuer une sorte de super attaque en cloche après une garde, de renvoyer les projectiles en parant au bon moment ou d’envoyer l’ennemi en l’air. Dans les airs, il est possible d’effectuer un double saut, de planer, d’effectuer jusqu’à trois charges montantes, de faire des attaques simples et de continuer à envoyer les ennemis plus haut en l’air. Le jeu encourage aux combats aériens car il est possible de se battre presque aussi bien en l’air que sur terre et de rester très longtemps sans toucher terre.
Le gameplay est juste parfait, il est extrêmement nerveux, toutes les actions s’effectuant incroyablement rapidement et le personnage répond vraiment au doigt et à l’œil. Il faut un temps d’adaptation pour s’habituer à la vitesse d’exécution et arriver à exploiter toutes les possibilités offertes durant les combats mais une fois ce cap passé, le jeu devient juste jouissif. Comme pour un Super Mario Bros., la jouabilité de ce Muramasa devrait être un modèle pour tous les jeux du genre à venir.

Et ça ne s’arrête pas là. Durant un combat, il est aussi possible dans une certaine mesure d’utiliser l’attaque spéciale propre à chaque sabre. Celle-ci peut se manifester de plusieurs façons, le personnage peut se mettre à tournoyer durant quelques secondes en découpant tout ce qui passe à portée, il peut se téléporter et porter une attaque à l’ennemi le plus proche, il peut invoquer des flammes l’entourant, lancer une lame d’énergie, etc.
Enfin, lorsque la jauge d’âme est pleine, il est possible de porter une puissante attaque couvrant tout l’écran en changeant de sabre. Cette attaque est très utile puisqu’elle nettoie l’écran et effectue de bons dégâts aux ennemis, mais il faut un peu de pratique avant de l’utiliser systématiquement, elle est encouragée par le fait que les sabres s’abîment en combat et qu’il faut en changer dès lors qu’ils se cassent.

Venons-en à tout ce qui fait le sel du jeu : les sabres, le joueur peut en porter jusqu’à 3 en même temps et le jeu en compte plus d’une centaine. En plus de posséder chacun des attaques spéciales, les sabres augmentent tous plus ou moins l’attaque ce qui fait que le joueur est constamment obligé d’en changer, ils peuvent aussi accorder des effets spéciaux et, petit détail, changent de skin plus ou moins fortement.
Chaque sabre se décline en deux types : long et simple, les sabres longs étant plus lents à manier que les sabres simples mais disposant d’une plus grande allonge.
En plus des trois sabres, le personnage peut aussi porter un accessoire qui lui octroie des effets spéciaux très divers comme le fait de remonter sa vie progressivement, de gagner plus d’argent ou d’XP, etc.
Les armes s’achètent au fur et à mesure du jeu (la monnaie étant remplacée par des âmes trouvables dans les niveaux et sur les ennemis) et se débloquent via un système d’arbre. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que les deux personnages du jeu se manient de la même façon mais partagent des arbres différents (qui se fusionneront à la fin) et donc des sabres différents.

Il est aussi possible d’utiliser des objets pendant les combats, remontant la vie ou la magie. Rien d’extraordinaire me direz-vous, mais subtilité là aussi, la plupart des objets de soin sont de la nourriture et après en avoir avalé, il faut attendre que la satiété du personnage ait baissé pour pouvoir en ré-ingurgiter, temps durant lequel le personnage est pleinement vulnérable.
Et en parlant de la nourriture, il est aussi possible de faire de la cuisine en dehors des combats pour économiser ses objets de soins, les plats peuvent donner des capacités spéciales et ce système est VRAIMENT utile contrairement aux Tales of qui sont censés être la référence en la matière, je l’ai utilisé à chaque fois que je pouvais pour économiser mes items.

Les phases de déplacement sont un peu particulières. Les niveaux sont découpés en une multitude d’écrans, ce qui a permi aux développeurs de réutiliser les mêmes décors et de créer des niveaux très vastes, rassurez-vous tout de même, il y a beaucoup de décors différents, ils ne se sont pas foutus de nous de ce côté-là. Les déplacements sur la map se font automatiquement, niveau par niveau, il n’est pas possible de choisir sa destination, il existe toutefois des moyens de passer d’un niveau éloigné à un autre sans se taper tous les niveaux intermédiaires et l’histoire ne s’encombre pas d’allers-retours inutiles.

Les combats arrivent aléatoirement en se déplaçant dans les niveaux, lorsqu’il s’en produit un, l’écran se bloque et il n’est possible de se déplacer que lorsque tous les ennemis sont vaincus. Après un combat, le joueur gagne une certaine quantité d’expérience en fonction de sa prestation, le système est le même que pour Smash Bros. : des exploits (genre avoir fait le combat sans perdre de vie ou avoir conclu par un défouraillage rapide) s’additionnent, chacun valant un certain nombre de points d’expérience pour former le résultat final.

La progression reste très linéaire, les niveaux sont cependant composés de multiples embranchements qui permettent de chercher des trésors ou de faire des défis. Des âmes et des objets sont souvent cachés dans les écrans du jeu, ce qui donne de petits objectifs annexes à chaque changement d’écran. On trouve aussi quelques petites surprises de temps en temps venant briser la monotonie comme un mini-jeu où le joueur doit pêcher les meilleurs poissons, du level design un peu particulier ou des embuscades tendues par les ennemis dans certains écrans.

Les défis sont des combats spéciaux faisant intervenir plusieurs vagues d’ennemis accompagnées parfois de boss à combattre. Ils proposent souvent un excellent challenge, sont totalement optionnels mais récompensent souvent le joueur par de très bons accessoires.
Le bestiaire est assez varié et est composé de ninjas, samouraïs, moines diaboliques et de créatures fantastiques. Ce qui est intéressant c’est que les ennemis possèdent des comportements et des patterns très différents les uns des autres, par exemple, les espèces de gobelins verts sont assez faibles mais ne sont pas étourdies lorsque vous les frappez au sabre comparé aux autres ennemis, ce qui surprend.
Les boss sont vraiment excellents, souvent très originaux et représentent le gros intérêt du jeu. Parfois très grands, parfois à votre taille, parfois terriens, parfois aériens, ils possèdent des patterns bien délimités et disposent de très bons challenges.

Il existe deux modes de difficulté et j’ai personnellement choisi le second pour faire le jeu, celui-ci permet de bien apprivoiser le gameplay et offre un très bon challenge, même pour les vieux cons comme moi qui ne jurent que par la difficulté rétro outrancière, certains boss sont parfois même franchement difficiles, mais le jeu en sa grande mansuétude vous permet de changer de difficulté à n’importe quel moment et donc d’économiser de fastidieux moments de grinding.

Venons-en à la progression, le jeu reste très classique dans son déroulement, le but de chaque chapitre est de traverser un ou plusieurs niveaux puis de se friter contre un boss.
Je dois avouer m’être un peu ennuyé dans la seconde partie du scénario du second personnage, le jeu devenant franchement répétitif, cependant le post game est venu me sortir de ma torpeur. Après avoir fini le jeu avec les deux personnages, il est possible d’obtenir deux nouvelles fins, d’affronter deux nouveaux boss finaux, d’accéder à de nouveaux défis et d’affronter les boss liés au personnage opposé. Ce qui est intéressant c’est que pour obtenir la troisième fin, il faut obtenir le dernier sabre en réussissant certains défis et atteindre un certain niveau pour le porter, ce qui laisse du temps pour s’occuper. Mention enfin pour l’ultime défi « Pandémonium total », ne passez pas à côté !

Difficile de donner une approximation de la durée de vie, je dirais que pour terminer le jeu à 100% il faut bien compter 20h voir plus. Et pour ceux qui en redemanderaient, sachez que lorsque vous terminez le jeu, un troisième mode de difficulté se débloque, similaire au deuxième à l’exception près que le joueur ne dispose que d’un PV pour faire le jeu. Oui, le jeu est tellement bien rodé qu’il est possible de le faire sans perdre de point de vie, bon courage.

En résumé, Muramasa possède : un scénario très efficace ; des personnages attachants et au design soigné ; une réalisation 2D et une ambiance japonaise au top ; un très bon challenge grâce aux boss fights et aux nombreux défis que propose le jeu et surtout, un gameplay parfait car ultra pêchu, répondant au doigt et à l’œil, jouissif et complet, bref un modèle pour tous les beat them all 2D et action RPG side-scroller. Si vous cherchez un bon jeu d’action sur Wii ou sur Vita, ne le ratez surtout pas.

 

Développeur : Vanillaware
Date de sortie : 2009
Article publié originellement sur Gamekult le 07/12/2016