The Nomad Soul [Dreamcast]

The Nomad Soul (Omikron The Nomad Soul en version originale) est le premier jeu du studio Quantic Dream que l’on connaît pour avoir sorti récemment Heavy Rain et Beyond Two Souls. Loin d’être un film interactif, The Nomad Soul est un jeu d’aventure mélangeant différents types de gameplay qui partage de nombreux points communs avec Shenmue, il se distingue néanmoins par son univers fictif de SF.

Le jeu fait clairement pensé à Blade Runner dans toute sa première partie. Nous incarnons au début un flic enquêtant sur une étrange affaire de meurtre. Les ennemis peuvent revêtir la forme de n’importe qui, sauf qu’au lieu d’être des synthétiques comme dans le film de Ridley Scott nous avons ici affaire à des démons, l’histoire tournant très rapidement au fantastique. La première partie d’Omikron où on commence a clairement des influences cyberpunk. Omikron est une ville bâtie sous un dôme de cristal servant à protéger sa population des conditions de vie devenues extrêmes sur la planète. Ce monde miniature est dirigé par un ordinateur superpuissant qui est partout grâce à ses caméras et capteurs et qui contrôle la vie des habitants de façon un peu extrême pour en garantir la survie.
Le plus gros point fort du jeu pour moi c’est la position du joueur dans l’histoire. Le jeu explique que si votre corps est devant l’écran tenant la manette de jeu votre âme elle a été aspirée dans le monde parallèle d’Omikron par le biais de la Dreamcast lorsque vous avez commencé le jeu. Le joueur est l’âme nomade et il sera amené à changer de corps constamment durant le jeu.

Le système de choix de dialogue est particulier, vous ne pourrez pas effectuer tous les choix de dialogues comme c’est d’habitude le cas dans les jeux d’aventure, ce qui implique de bien réfléchir à vos questions et réactions. C’est à travers ce système que vous pouvez vous exprimer, même si ça n’a parfois aucune influence, on vous demande souvent votre avis, par exemple en vous demandant qui vous pensez être le coupable. Ce système combiné avec le fait que vous changez constamment de personnage et que votre personnage n’est pas doublé renforce l’idée du joueur comme étant le protagoniste. Il faut aussi savoir qu’à plusieurs moments l’histoire dit que vos actions auront des répercussions dans le monde réel. A certains moments j’ai vraiment eu l’impression que les personnages s’adressaient directement à moi, le 4e mur étant totalement brisé et l’immersion s’en voyant renforcée.

Le jeu comporte une forte partie exploration puisqu’on vous donne libre champ d’explorer Omikron qui est relativement grande et parfois un peu labyrinthique. C’est en explorant que vous pourrez trouver les boutiques d’armes, de magies, les supermarchés, les pharmacies, etc. Ces endroits ne seront pas indiqués sur votre carte, ce sera à vous de vous débrouiller pour les trouver. Il y aura aussi des petites animations annexes à trouver comme avec les stands de tir, les strip-clubs (l’univers et l’intrigue étant assez matures) ou avec les concerts clandestins du groupe The Dreamers dont le chanteur n’est autre que David Bowie. Votre quasi unique moyen de gagner de l’argent sera de combattre dans une arène clandestine qu’il faudra trouver, un aspect qui met vraiment bien en avant le système de combat. Donc même si ça n’est pas aussi fourni que Shenmue sachez qu’il y a pas mal de choses annexes à faire dans le jeu.

Le système de combat est excellent, je le trouve même meilleur que celui de Shenmue pour tout vous dire. Il s’agit d’un système classique de coup de poing et de pied faible et fort avec en plus des esquives possibles sur les côtés. Vous avez accès à une grande palette de coups et même à la fin du jeu j’arrivais encore à trouver des combinaisons à faire.
A ce système de combat se greffe un petit côté RPG. En effet chacun des personnages disponibles dans le jeu à ses propres stats qui vont influer sur le combat, par exemple un gars fin pourra être très rapide alors qu’un gars musclé pourra avoir beaucoup d’attaques et de défenses. Grâce à des potions accessibles assez tôt dans le jeu vous pourrez aussi booster leurs stats. Plus vous ferez de combats avec un personnage plus il gagnera d’expériences et plus sa palette de coups sera grande.
Petit défaut que je trouve à cette partie combat c’est que les coups ne vous sont expliqués que par des documents qu’il faut trouver et que je n’ai trouvé les documents expliquant les coups simples que vers la fin du jeu, il faut donc trouver les combinaisons soi-même en faisant des essais. En dehors de ça ce système de combat est fun et parfait comme partie secondaire du jeu.

Si le système de combat est très bien, c’est une tout autre histoire pour la partie FPS du jeu…
Premier problème de ces phases c’est qu’il n’y a aucun feeling lorsque vous tirez, il n’y a pas de bruitages lorsque vous tirez, c’est le silence plat, de plus l’arme tire beaucoup trop vite, le feeling que j’ai en utilisant ces armes c’est d’avoir des sortes de pistolets à eau et d’arroser les ennemis constamment, c’est ridicule.
Second problème : l’IA qui est ridicule. Déjà il faut savoir qu’il y a un fort brouillard à partir de 30m pour masquer le clipping. Si des ennemis se trouvant derrière ce brouillard vous repèrent, ils vont vous tirer dessus même s’ils sont à l’autre bout de la map et qu’il vous est impossible de les voir. Et quelle que soit la distance qui les sépare de vous leurs tirs vous atteindront à chaque fois si vous ne faites pas l’effort de bouger. Si vous êtes placé au bon endroit, vous pourrez tirer sur les ennemis sans qu’ils vous repèrent, ils continueront tranquillement à faire leur tour de garde pendant que vous les canarderait…
Troisième problème : le gameplay. Déjà, les contrôles par défaut sont incroyablement mauvais : vous vous déplacez avec la croix directionnelle et vous visez avec le stick, les deux boutons étant sur la partie gauche du pad ! Heureusement il est possible de changer manuellement toutes les touches comme sur un jeu PC, une fois que les contrôles sont configurés à la Turok (en avançant avec les 4 boutons d’actions de droite), le jeu se manie BEAUCOUP mieux, cependant des gens se sont sûrement fait le jeu entièrement avec la configuration par défaut ce qui fait vraiment peur. Subsiste encore un petit problème c’est que la sensibilité de la visée est très basse, on déplace très lentement la caméra avec le stick si vous préférez et il n’est pas possible d’augmenter la sensibilité dans les options.
Enfin, citons également quelques problèmes exceptionnels comme le level design particulièrement mauvais d’un niveau qui m’avait vu tourner en rond en cherchant la sortie durant un long moment ou le compte à rebours d’un niveau vers la fin du jeu qui ne se reset pas lorsqu’on meurt et qu’on reprend à un checkpoint, c’est particulièrement stupide.
Dans les points positifs, on peut citer qu’il y a une variété d’armes et d’ennemis correcte, il y aussi un radar permettant de repérer à l’avance les ennemis que je vous conseille d’acheter dès que possible. Ces phases sont heureusement assez simples, je les ai toutes fait en difficulté maximum et je n’ai jamais trouvé ça insurmontable, en fait les phases de combat sont plus dures que les phases en FPS. Pour conclure je dirais que ces phases sont agréables une fois de temps en temps pour diversifier le jeu mais que si Nomad Soul ne se reposerait que ces phases, ce serait une bouse.

A noter qu’il existe aussi un système de sorcellerie (du craft en fait) mais celui-ci est tellement limité que je préfère ne pas en parler.

La progression peut être découpée en trois parties selon moi. La première est celle qui fait grandement penser à Blade Runner tant par la partie de la ville cyberpunk où on évolue que par l’enquête que l’on mène avec l’agent de police. Beaucoup de rejouabilité dans cette partie puisqu’il y a beaucoup d’événements pouvant se passer différemment et de choses annexes à faire pouvant influer sur le scénario. C’est clairement la partie qui a eu le meilleur traitement, elle est excellente. La seconde nous voit évoluer dans une partie d’Omikron ressemblant à une ville désertique ce qui m’a fait penser à Dune avec le contexte SF, j’ai bien aimé. Sans spoiler, dans cette partie on rejoint un groupe de résistants et on doit faire nos preuves en faisant des opérations militaires. L’histoire n’y avance quasiment pas et les opérations militaires consistent en une overdose de phases de FPS. Ce qui fait que ce tiers de jeu est très peu intéressant et j’ai failli arrêter plus d’une fois à cause de ça. La dernière nous voit évoluer dans une petite partie de la ville ressemblant à Venise et nous voit traverser des lieux un peu plus surprenants pour la fin du jeu, donc bon point pour la variété des environnements. L’intérêt est nettement rehaussé par rapport à la seconde partie du jeu.

Même si le jeu dispose d’un système d’indices qui vous permet de garder une trace de ce que vous avez à faire, le jeu ne vous prend jamais par la main comparé aux jeux d’aujourd’hui et vous devez souvent trouver par vous-même ce qu’il faut faire, ce qui fait qu’on est souvent bloqué.
De nombreuses énigmes sont présentes et celles-ci sont bien trouvées, elles ne sont pas bas de plafond comme dans un Resident Evil, il vous faudra vraiment réfléchir pour trouver la solution de certaines énigmes, quelques-unes sont vraiment retorses et risque même de vous bloquer là aussi.

Quantic Dream oblige, le jeu a un aspect très cinématographique, en effet à chaque fois qu’un personnage va parler durant un dialogue et très régulièrement lors des phases d’explorations vous aurez des zooms et mouvements de caméra adaptés à la scène ou à l’endroit que vous traverserez. Les plans très récurrents sont des décadrés et le changement de focales pour augmenter la profondeur de champ est surexploité, cela donne un aspect très étrange et oppressant à l’ensemble ce qui colle parfaitement avec le jeu.

La bande-son est vraiment très bonne, c’est à souligner car c’est rare pour un jeu occidental. Pour la partie instrumentale, on retrouve beaucoup de « musiques » d’ambiance angoissantes qui collent vraiment bien avec les lieux traversés. Pour les phases en FPS et les combats, on a quelques musiques rythmées qui sont plutôt bonnes. S’il n’est pas responsable des musiques instrumentales, David Bowie a participé aux chansons du jeu. Celles-ci se font entendre lors des rares cinématiques et des concerts annexes trouvables dans le jeu, durant ceux-ci on retrouve la très bonne mise en scène de Quantic Dream. A noter que les chansons proviennent de l’album (« hours… ») que Bowie allait sortir à l’époque, l’artiste a cependant changé les paroles des chansons pour qu’elles collent avec l’histoire du jeu. Pour l’anecdote, en plus de prêter ses traits au chanteur du groupe fictif The Dreamers dans le jeu, un des personnages importants du jeu a été fait avec ses traits et est doublé par lui.
Et pour parler deux secondes du doublage, celui-ci a été entièrement fait en français ce qui est vraiment une bonne chose, cependant la qualité de doublage est très variable comme quasiment tous les jeux de l’époque, on a du bon et du moins bon.


Le premier concert du jeu avec la chanson Survive, cela vous permet d’admirer la très bonne mise en scène du jeu.

The Nomad Soul serait le premier jeu a bénéficier de la motion capture pour les visages des personnages. Et c’est vrai que comparé aux autres jeux de l’époque où il n’y avait pas d’animations pour les visages ou deux trois animations de la bouche s’ouvrant aléatoirement lors des dialogues ben c’est vraiment bien fait, on voit les sourcils et la bouche bouger selon les paroles et les émotions. Comparé aux jeux d’aujourd’hui, c’est loin d’être parfait, la cause vient je pense des textures des visages qui sont plates avec un peu de relief forcément lorsqu’on essaye de leur appliquer une animation capturée sur de vrais visages cela fait un peu étrange. Un vrai problème c’est que lorsque le doublage est terminé et que les visages terminent leur animation, ils retournent à leur expression par défaut, ce qui fait qu’ils peuvent passer d’une expression triste à une expression heureuse lorsqu’une réplique se termine.
Techniquement le jeu est correct, ce qui est impressionnant dans le jeu ce sont les villes remplies de personnes, de véhicules avec des vaisseaux géants volant dans le ciel, les développeurs ont vraiment réussi à créer une ville vivante. Cependant si on compare avec Shenmue sorti à la même période, la différence est énorme, les visages moins expressifs de Shenmue sont beaucoup plus beaux avec un gros travail sur les yeux, les environnements de Shenmue sont peut-être plus petits mais tout y est mieux modélisés. Shenmue a extrêmement bien vieilli, The Nomad Soul c’est moins le cas, pour moi le jeu sent comme un jeu du début de la 3D même s’il est très loin des premiers jeux très polygonés de la Playstation.

Le jeu a vieilli de façon globale, bien sûr par ses graphismes, ses phases de FPS plus archaïques que les premiers FPS 3D, le fait que le joueur ne soit pas pris par la main et qu’il doive trouver plein de choses par lui-même mais aussi par certains détails dont je n’ai pas parlé. Par exemple la façon de se déplacer lors des phases d’exploration est très rigide, c’est celle des premiers Resident Evil, on tourne le personnage sur lui-même avec gauche et droite et on avance avec haut. Autre exemple, c’est que les nombreux documents et notes que l’on peut trouver sont considérés comme des objets et prennent donc une place dans l’inventaire, aujourd’hui tous documents seraient conservés dans un onglet spécifique et ne prendraient pas de place, ce qui semble normal.

Conclusion : Si vous aimez Blade Runner vous serez charmé par l’histoire et de l’univers cyberpunk de The Nomad Soul. L’histoire est bien fournie comme on peut l’attendre d’un jeu d’aventure, le jeu se démarque par la place que prend le joueur au sein de celui-ci, c’est vraiment un aspect intéressant que je n’ai jamais vu traité de façon aussi complexe dans aucun autre jeu. La mise en scène très cinématographique du studio est extrêmement présente et de très bonne facture. L’aspect aventure est réussi grâce aux très bonnes énigmes, grâce aux vastes environnements du jeu à explorer et à toutes les choses annexes à faire dans le jeu, les phases de combat sont très réussis et la bande-son cosignée par David Bowie est vraiment bonne. Le jeu a par contre vieilli sur certains aspects comme avec ses graphismes, ses phases de FPS juste mauvaises ou le fait que le jeu ne vous prenne pas par la main, ce qui demande de s’y investir davantage. En inconvénient, citons également l’essoufflement du jeu dans son deuxième tiers. The Nomad Soul est objectivement un très bon jeu mais soyez sûr de bien savoir ce qui vous attend si vous voulez vous y essayer.
Comparaison entre les versions : La version PC est très supérieure graphiquement (distance d’affichage énorme, plus de détails, …) et comporte moins de micro chargements (omniprésent sur la version Dreamcast) donc je vous recommande davantage d’y jouer sur PC.
Les suites : Une suite à Nomad Soul était prévue, elle s’appelait The Nomad Soul Exodus et devait se passer 100 ans après les événements du premier opus. Malgré les demandes des fans, cette suite a été annulée avant d’être réenvisagée en 2009 (sous le nom d’Omikron Karma) puis d’être réannulée.

Développeur : Quantic Dream
Date de sortie : 2000
Article publié originellement sur Gamekult le 07/10/2016