Teenage Mutant Hero Turtles [NES]

Si l’aventure commence en 84 au format comics pour les Tortues Ninja, c’est l’adaptation en dessin animé de 87, donnant leurs couleurs aux bandeaux des tortues qui étaient tous rouges jusque-là, qui restera dans les mémoires et qui servira de matériel de référence pour toutes les adaptations qui suivront.
Bien sûr le dessin animé va avoir un énorme succès et le fait qu’il y ait beaucoup de combats en fait un candidat idéal pour des adaptations en jeux vidéo.
Konami saisit alors l’opportunité pour sortir sur NES un premier jeu intitulé sobrement Teenage Mutant Ninja Turtles (Teenage Mutant Hero Turtles en Europe).
Si vous vous demandez pourquoi le dessin animé au Royaume-Uni ainsi que les adaptations en Europe de l’époque se nomment Teenage Mutant Hero Turtles alors que le nom original de la série est Teenage Mutant Ninja Turtles c’est parce que le mot Ninja était jugé trop violent pour les enfants au Royaume-Uni (il y avait une controverse à l’époque), bref censure complètement débile (mais ça n’a pas beaucoup changé aujourd’hui).
Bien que cette première adaptation des Tortues Ninja ait une mauvaise réputation critique et de la part des fans (on lui reproche sa difficulté et sa médiocrité), il devient l’un des jeux les plus vendus de la NES (c’est le jeu le plus vendu par un éditeur tiers) s’écoulant à 4 millions d’unités dans le monde ! A l’époque tout le monde en avait une cartouche malgré lui et aujourd’hui on en voit encore énormément en vente en vide grenier ou sur internet. Tous les possesseurs essayant de se débarrasser de leurs exemplaires.
Est-ce que ce jeu est si mauvais et si difficile que ça ? Le fait qu’il se soit si vendu et qu’il soit développé par Konami serait-il un gage de qualité indiquant que les critiques se sont trompés à son sujet ? Je n’ai rien compris au jeu et je n’arrive pas à le terminer, comment faire ? Réponse dans cet article.


Le premier but des tortues dans le jeu est de sauver April O’Neil qui a été enlevée par le clan des Foot. Cette mission étant menée à bien rapidement, une sous-intrigue démarre consistant à désamorcer les bombes posées par le clan des Foot sur un barrage, ce qui menace New York d’une inondation. Le clan des Foot en profite alors pour enlever Splinter. Après avoir sauvé leur maître et récupéré leur dirigeable, les tortues décident de s’infiltrer dans le Technodrome pour casser la gueule de Schredder.
Le jeu comporte quelques cutscenes en fin de niveaux et Splinter ainsi qu’April vous donneront parfois des conseils (dispensables) par le biais du menu pause.

Le jeu est découpé en deux phases de gameplay. Une d’action/aventure en side-scroller et une d’exploration avec vue du dessus, similaire aux RPG de cette époque.

Nous allons commencer par parler de la première.
Le joueur a à sa disposition l’équipe des Tortues Ninja au complet, il peut changer la tortue qu’il incarne à n’importe quel moment par le biais du menu pause. Chaque tortue possède des attaques différentes, a sa propre barre de vie et peut avoir sa propre arme optionnelle. Lorsqu’une tortue meurt, elle n’est plus sélectionnable et le joueur est ramené au dernier checkpoint qui peut parfois se trouver au tout début du niveau. Il est donc important de toujours garder toutes ses tortues en vie quitte à changer de personnage alors que celui incarné est à l’agonie, l’avantage de ce système c’est qu’il force à changer constamment de personnage.
On peut entrevoir ici la gestion d’équipe qui est importante dans le jeu. Le joueur va devoir gérer son équipe en faisant attention aux différents niveaux de vie des personnages, à protéger les personnages importants, à gérer les armes optionnelles de son équipe, etc.

Les personnages ont le désavantage d’être complètement déséquilibrés.
Donatello est le personnage le plus cheaté du jeu. Avec son Bo (bâton), c’est celui qui a le plus de portée, il a tellement de portée qu’il peut toucher les ennemis à travers le sol et le plafond. Il a le maximum de puissance d’attaque ce qui, avec son allonge, lui permet de venir à bout de quasiment tous les ennemis du jeu sans qu’ils aient la possibilité de le toucher. Il a aussi la particularité d’être le seul personnage à pouvoir attaquer derrière lui (lors de l’attaque frontale sur une distance très courte). Seul inconvénient : une attaque frontale ne permet pas de venir à bout des ennemis rampants, cet inconvénient peut toutefois être contourné en faisant une attaque basse. Avec un peu de pratique, ce personnage ne possède donc que des avantages et est essentiel à la progression dans le jeu.
Michelangello et Raphaël sont assez identiques. Michelangello a la plus courte portée mais est aussi le plus fort après Donatello. Raphaël est très légèrement plus faible et possède très légèrement plus de portée, son attaque dure plus longtemps que les autres personnages ce qui lui offre plus de chances de toucher les ennemis.
Enfin, Leonardo (qui est censé être le leader du groupe) est le personnage le moins utile. Ses attaques sont les moins puissantes, il se fait donc très facilement toucher par n’importe quel ennemi un minimum fort et devient donc très vite obsolète. Son seul avantage est que c’est le seul autre personnage pouvant toucher les ennemis au travers des murs (bien qu’ayant moins d’allonge donc pouvant rater certains ennemis). On ne s’en sert donc que pour tuer les ennemis au travers des murs lorsque Donatello est mort ou en dernier recours.

Enfin, on trouve un panel d’armes optionnelles assez large, chaque arme étant une arme de jet et étant d’une puissance définie.
On trouve des shurikens, des triples shurikens, des boomerangs (ceux-ci n’étant pas décrémentés si le joueur arrive à les rattraper) et des ondes de choc qui sont les armes les plus puissantes du jeu.
Il est aussi possible de trouver des pizzas pour récupérer de la vie et un item permettant de devenir invincible en détruisant tout sur son passage (l’équivalent de l’étoile dans Mario).

Venons-en aux phases d’exploration.
Sur la carte, le joueur peut aussi bien attaquer que se faire attaquer, il n’existe cette fois pas de différence entre les tortues contrôlées, mais elles possèdent toujours leurs propres barres de vie. En appuyant sur Start une carte s’affiche ce qui permet de mieux se repérer. L’avantage de ces phases est bien sûr l’exploration mais aussi la non-linéarité du jeu qui s’y exprime pleinement.
Si cela est déjà présent dans la première mission avec plusieurs chemins annexes, ont voit toute l’étendue de la chose à partir de la mission 3. Dans cette mission, le joueur est lâché dans une partie de New York et doit trouver son chemin dans une grande map comportant de nombreuses entrées. Il est possible de se balader dans la ville avec le célèbre van des Tortues Ninja, ce qui permet de se défendre plus facilement contre les ennemis. De nombreuses barrières sont placées dans la ville, bloquant les routes, pour les détruire, il faut se servir de missiles se trouvant dans certains bâtiments.
Même si le joueur ne trouve pas l’endroit de sa destination dans les bâtiments où il va, chaque endroit fait figure de mini-défi à surmonter, on peut avoir envie de parcourir l’intégralité du level design ce qui est loin d’être déplaisant, il y a du challenge et des trouvailles intéressantes. Autre point intéressant de ces chemins annexes c’est la découverte de ressources, on va rapidement se créer une carte mentale (ou manuscrite pour ceux n’ayant pas de mémoire) des différents lieux et s’y reporter si on a besoin de pizzas, de vies ou d’armes. Cela rejoint l’idée de gestion que l’on pouvait avoir avec la gestion de l’équipe et implique davantage le joueur.
La mission 4 se déroule dans un aéroport très fermé, elle met davantage l’accent sur la non-linéarité plutôt que sur l’exploration même si elle est encore un peu présente. Ici, différents chemins menant aux mêmes endroits seront à chaque fois proposés au joueur. Le joueur devra déterminer quels chemins seront les plus simples voir les plus gratifiants à emprunter pour lui à la longue.

Pour continuer sur l’aspect progression.
La mission 2 est très courte, elle dispose à la fin d’un mini-jeu consistant à traverser un niveau aquatique en désamorçant plusieurs bombes. D’une facilité extrême comparativement à ce que certains testeurs essayent de nous faire croire, cette phase est agréable et rafraîchissante si vous me permettez les jeux de mots moisis.
La mission 5 est originale dans le sens où il faut chercher la cachette du Technodrome parmi 3 souterrains, ladite cachette changeant aléatoirement de place à chaque partie. Des entrepôts sont aussi présents sur la carte renfermant différentes ressources permettant de se tenir prêt pour la bataille finale.

Un bon point sur le jeu c’est que les monstres rencontrés changent parfois aléatoirement (de ma propre expérience sur le jeu, ils varient en fonction des monstres précédemment rencontrés), ce qui permet de surprendre le joueur et de ne pas installer une monotonie dans le jeu. Mauvais point par contre c’est que ces pseudo-aléas donnent parfois un mauvais level design avec des situations où le joueur est forcé de se faire toucher lorsqu’il rentre dans le niveau.

Le jeu a aussi un aspect un peu buggé vu que les monstres ont des points de spawn et qu’ils respawnent à l’infini dès que ces points de spawn ne sont plus affichés à l’écran. Ca rend forcément le jeu plus difficile mais n’est pour moi pas suffisant pour considérer le jeu comme mauvais, Ninja Gaiden sur NES dispose par exemple exactement du même système de pop des ennemis et ça ne l’empêche pas d’être un excellent jeu d’action.
Mais ces bugs peuvent aussi être contournés pour faciliter le jeu, par exemple avec le fait de profiter de l’IA débile de la plupart des mobs (ces derniers se contentant d’avancer de gauche à droite comme si vous n’existiez pas) ou avec le fait de tuer les ennemis en se servant du scrolling. Cela entre alors comme des stratégies et des mécaniques de jeu à part entière. Certains « bugs » semblent même voulus comme la réapparition des items lorsqu’on quitte les bâtiments (l’item de vie n’apparaît qu’une fois par niveau et l’avant-dernier niveau met l’accent sur la préparation des ressources, ce qui en est la preuve).

Le jeu met un certain temps à être terminé. Ce qui met du temps c’est toute la partie exploration ainsi que le fait qu’il n’y ait que 3 continues pour faire le jeu. TMHT est à classer dans les jeux difficiles de la NES cependant c’est très loin d’en être le plus difficile. Une fois qu’on connaît bien le jeu on est sûr de le terminer à tous les coups, c’est loin de certains jeux très exigeant en skill et faisant parfois appel à la chance (Time Lord, Dragon Ball, Contra, Ninja Gaiden, etc.). On reprochera au jeu quelques sauts millimétrés et quelques passages un peu lourds comme le long passage de plates-formes dans les égouts du niveau 3 (le jeu n’est pas extrêmement adapté aux plates-formes), le tout est rarement très pénalisant cependant.

Au niveau graphique c’est correct, sans plus, ça reste lisible, on a parfois droit à des arrières plans assez détaillés, dommage qu’ils se répètent beaucoup. Le problème porte sur le bestiaire (hors boss), presque tous les ennemis sont monochromes et sont souvent tous de la même couleur. Il y a deux ennemis repris de la série anime : les ninjas du clan des Foot et les Mousers, je ne me suis rendu compte qu’après avoir terminé le jeu, en me renseignant, qu’on les retrouvait dans le jeu. Pour les Mousers c’était simple, ils sont tout blancs alors quitte à n’utiliser qu’une seule couleur, autant utiliser la bonne mais non les développeurs les ont faits… violets.

Et avec ce constat graphique sur le bestiaire, on en arrive à un point important qui est celui de l’adaptation. Déjà je tiens à dire que ce qui est repris dans le jeu est fidèle à l’oeuvre originale (dessin animé et parfois comics), mais justement il y a trop peu de choses reprises.
Comme je l’ai plus ou moins laissé entendre, il n’y a que deux ennemis repris dans tout le jeu (et ils ne sont pas très reconnaissables), tous les autres, et il y en a un certain nombre, ont étés inventés pour le jeu. Les boss eux, à une exception près, sont exempts de reproches, on retrouve Bebop et Rocksteady, un Mouser géant (qui est en blanc et parfaitement reconnaissable lui), le Technodrome (il fallait oser) et Shredder. En étudiant la notice du jeu on se rend compte que tous les niveaux correspondent à des endroits de New York, on retrouve Wall Street, l’aéroport international de New York-John F. Kennedy, le Federal Dam (barrage fédéral) du fleuve Hudson, etc. Ce souci de cohérence est appréciable, il est dommage que ça ne transparaisse pas dans le jeu ne serait-ce que par des textes dits par les personnages mais il n’en est jamais fait mention et pratiquement tous les niveaux ressemblent à des villes génériques, l’aéroport ressemble à une base militaire générique, etc.
Que ce soit dans les décors ou pour les ennemis on retrouve des thèmes communs à ceux des Tortues Ninja : l’urbanisme, les punks, la technologie, les robots, le mysticisme, les ninjas, etc. Donc on a ici un univers cohérent collant bien à celui des Tortues Ninja mais on a l’impression que les 3/4 du jeu pourraient se dérouler avec une autre série, d’autres protagonistes et une autre histoire et ce serait exactement la même chose ce qui est dommage, il aurait fallu que l’identité du jeu se rapproche plus fortement de celle des Tortues Ninja.

Les musiques collent plutôt bien au jeu et à l’univers des tortues, bien qu’encore une fois, aucun air ne soit semblable à celui du générique du dessin animé. Les musiques sont de bonne facture, plutôt rythmées mais se renouvellent assez peu. Mention pour le très bon thème de l’intro, très rock (ce qui renvoie au générique de la série), qui a été bien utilisé puisqu’il se fait entendre à chaque fin de niveau, devenant ainsi le main theme, récompensant le joueur et lui donnant envie de continuer le jeu.

Dans les bons points de ce TMHT, nous pouvons d’abord noter le fort accent qui est mis sur l’exploration et la non-linéarité du jeu. Autre bon point une forte gestion d’équipe et des ressources, ces deux points lui donnant un petit aspect RPG. Les niveaux se renouvellent dans leur principe et le jeu dispose de quelques bonnes idées comme la rencontre des ennemis (qui a aussi ses mauvais côtés). Les musiques même si elles se renouvellent assez peu sont dans le ton et plutôt bonnes. Le jeu dispose aussi d’une bonne durée de vie pour un jeu d’action et d’un bon challenge sans être aussi dur qu’on le dit. On a également quelques points mi-figue mi-raisin. Les protagonistes s’ils sont différents et si le système force à tous les utiliser sont complètement déséquilibrés. Bien qu’ils ne soient pas très pénalisants certains passages sont vraiment pénibles à passer. Bien que le level design soit adapté, le jeu comporte des bugs et une IA totalement à la ramasse. Et bien que le jeu soit fidèle en ce qu’il adapte, on a trop souvent l’impression d’avoir affaire à un univers collant à la série mais trop générique pour satisfaire les fans.
Donc au final les Tortues Ninja est un bon jeu, assez riche, mais ça ne reste qu’un bon jeu et ça n’est pas la meilleure adaptation qui soit, ce n’est pas le jeu exceptionnel qui aurait mérité d’être l’un des plus vendus de la console.
Le fait d’être considéré comme l’un des jeux les plus difficiles de la console, vient pour moi du fait que tout le monde y a joué, ce qui inclut un public large n’ayant pas forcément beaucoup d’expérience dans le jeu vidéo, de plus le jeu s’adresse à un public de niche car il demande pas mal d’implication pour être apprécié. Par « jeu le plus difficile de la console », il faut comprendre « jeu le plus difficile que la plupart des gens ont joué sur la console », ce qui est totalement différent.
Second point qui m’oblige à ne pas être plus indulgent avec ce jeu, c’est que d’autres jeux de la série ont été adaptés sur la console. Teenage Mutant Hero Turtles II The Arcade Game, qui n’est pas du tout une suite de TMHT sur NES mais une adaptation du jeu d’arcade est juste l’un des meilleurs beat them all de la console et est l’adaptation de rêve pour n’importe quel fan de la franchise à l’époque. Celui-ci s’est malheureusement vendu moitié moins que le premier jeu de la série, ça avec la mauvaise réputation légendaire de TMHT fait qu’on parle toujours de la première adaptation et jamais de la seconde, ce qui est un non-sens total.
Bref, je conclus l’article par un lien où vous pourrez lire mon test de TMHT II. Pour ceux qui seraient tout de même intéressés par la première adaptation, si vous savez à quoi vous en tenir le jeu peut-être plaisant à faire, mais sachez qu’il y a mieux.

Développeur : Konami
Date de sortie : 1989