Touhou 5 Mystic Square [PC-98]

Mystic Square est l’ultime volet de la série sur PC-98 avant qu’elle ne connaisse son incroyable succès sur Windows. On aurait tort de le bouder puisqu’il s’agit d’un des meilleurs Touhou.


Un nouvel incident est survenu à Gensokyo. L’entrée du Makai (monde des démons) se trouvant dans la montagne a été ouverte et une grande quantité de démons commence à investir Gensokyo. Reimu Hakurei et Mima font route pour le monde démoniaque espérant stopper cette invasion tandis que Marisa et Yuuka les suivent à la recherche de challenge et de fun.

On a ici 4 personnages jouables correspondant aux personnages les plus marquants des 4 précédents jeux, chacun avec ses spécificités :
D’abord Reimu qui comme à son habitude possède un tir autofocus mais une faible vitesse et une faible puissance d’attaque, idéal pour les débutants. On a ensuite Yuuka qui se trouve être une variation de Reimu, elle possède un large tir en éventail moins efficace que l’autofocus de Reimu mais très légèrement plus puissant, sa bombe est très légèrement plus puissante et dure légèrement plus longtemps (3 secondes ce qui est le plus long du jeu).
En opposition totale, Marisa est trois fois plus rapide que ces deux personnages et possède comme bombe, pour la première fois, le Master Spark qui est la bombe la plus puissante du jeu mais qui ne touche que les ennemis étant droit devant le personnage, elle a aussi la puissance de feu la plus grande du jeu avec Mima mais sa portée d’attaque est très réduite et elle ne tire que droit devant elle. Mima, enfin, est une variation de Marisa, sa vitesse de déplacement est la plus grande du jeu, ce qui la rend très agréable à manier quand on connaît un peu le jeu et qu’on est habitués à la diriger, cependant ses autres stats en pâtissent légèrement comparé à sa disciple.
Pour plus de précisions, je vous invite à regarder le manuel du jeu.

Le système de scoring est absolument génial.
La nouvelle règle, qui va se poursuivre dans toute la série, est que plus un bonus de points est récolté haut dans l’écran plus il vaudra de points. Un seuil de hauteur existe au-delà duquel les bonus valent le maximum de points (le nombre de points gagnés est alors affiché en jaune). À cela se rajoutent les dream bonus points, plus le joueur a de dream bonus plus le seuil de hauteur est bas. Lorsque le joueur a le maximum de dream bonus, le score maximum donné par un bonus de points double presque et le seuil de hauteur disparaît ce qui fait que les bonus de points valent toujours le maximum. Se retrouver rapidement avec le maximum de dream bonus est primordial pour scorer.
Il y a plusieurs façons de gagner des dream bonus points, par exemple laisser l’écran se remplir d’ennemis ou ramasser des bonus de dream bonus (désolé pour le nom), mais la manière la plus efficace consiste à récupérer des bonus de points au dessus du seuil de hauteur. Le nombre de dream bonus points peut aussi baisser lorsque le joueur utilise une bombe ou plus drastiquement lorsqu’il meurt.
Ce système respecte parfaitement les codes du shoot them up qui consiste à encourager et récompenser la prise de risque. Je dois avouer que c’est le Touhou où j’ai pris le plus plaisir à scorer, malheureusement je me suis rendu compte un peu tard que, contrairement aux quatre épisodes précédents et au 6e épisode, les vies ne se gagnent pas avec le score mais avec le nombre de bonus de points ramassés, ce qui est complètement différent et n’encourage pas du tout à scorer pour survivre. C’est mon seul regret sur cet épisode.

Le jeu instaure la border between life and death, il s’agit d’un temps pendant lequel le joueur à le droit d’utiliser une bombe au moment où il se fait toucher, le temps est cependant extrêmement court comparé à certains épisodes et on ne s’en rend compte que lorsque parfois le personnage bloque contre un projectile à proximité alors qu’on utilise une bombe.
On peut aussi noter que les projectiles sont bien plus nombreux à l’écran qu’avant, le jeu se rapproche des vrais danmaku que seront les épisodes suivants.
La difficulté du jeu est bien plus grande que dans Lotus Land Story et annonce la difficulté des épisodes 6 et 7. Le mode Lunatic comporte des patterns plus rapides, possédant plus de projectiles et étant parfois plus complexes, cependant beaucoup de patterns du mode Normal sont conservés. Il n’y a pas d’énormes différences entre les deux modes si on compare le jeu aux épisodes suivants, par rapport aux épisodes antérieurs il n’y a pas de reproches à faire de ce côté-là cependant.

Une très bonne surprise dans ce Mystic Square est le sound test puisque dedans se trouvent les musiques du jeu mais aussi toutes celles des épisodes 1 à 4 remises au goût du jour avec des commentaires de ZUN pour les musiques du premier opus (qui en étaient dépourvues) ainsi qu’une animation pour chaque musique montrant les touches du clavier utilisées pour chaque voie ce qui permet de les reproduire soi-même.

Analyse de la progression : univers, mise en scène et level design

La quasi-intégralité du jeu se passe dans le Makai, qui est décrit comme un monde où des démons et de puissants youkai vivent. C’est un lieu important de la série, c’est d’abord une des deux destinations possibles dans le tout premier épisode (l’autre étant l’enfer et n’est pas à confondre avec le Makai même si ce dernier lieu s’inspire en partie de l’enfer et qu’il possède de nombreuses références religieuses). Les deux derniers stages de l’épisode 12 se passent aussi dans le Makai et l’histoire y est fortement liée.

Après un premier stage assez bateau où le joueur pénètre dans la montagne et bat le gardien de l’entrée du Makai, le joueur est transporté dans un second stage faisant office de transition entre les deux mondes.
Ce stage se déroulant visiblement dans l’espace, ce qui renvoie aux plus vieux shoot them up, le joueur doit y traverser un champ de comètes laissant des traînées de projectiles derrière elles. Le background est composé de multiples points filants comme des étoiles vers le joueur avec un effet de grossissement, ce qui est le premier élément (avec les transitions de background très réussies et les nombreuses animations des personnages) montrant la maîtrise du PC-98 qu’à ZUN en cette fin de série. La musique du stage : « Dimension of Reverie » est très péchu ce qui colle parfaitement avec le stage, on a même ici un excellent élément de mise en scène musicale puisque la partie dramatique de la musique (à 52 sec), sorte de marche funèbre, accompagne la venue du mid boss : un miroir ailé portant une croix latine en son centre (possiblement un Ungaikyo), marquant là un présage funeste pour le joueur. Le jeu commence donc fort puisque le stage 2 s’impose déjà comme un des stages les plus réussis de toute la série.
 
Le stage 3 marque l’arrivée dans un village du Makai. Le fond est plutôt abstrait mais on peut imaginer qu’il s’agit d’une vue aérienne plutôt éloignée avec les traits étant des habitants et les carrés des maisons ou des pâtés de maisons, en contraste on peut remarquer des pancartes assez détaillées où est marqué Romantic Children ce qui fait écho au nom de la musique jouée (très bonne par ailleurs) ainsi qu’au boss. Depuis le précédent épisode, une grande importance est donnée au boss du stage 3, que ZUN considère comme devant être marquant. Le 3e boss est Alice, un personnage que l’on retrouvera adulte dans l’épisode 7 et qui deviendra l’un des personnages les plus importants de la série. Son apparition est assez intéressante puisqu’elle vient pour défendre son village et demander au joueur d’arrêter son massacre. Le joueur apparaît alors comme étant le méchant, un meurtrier venu troubler l’ordre de leur monde (on retrouvera la même thématique avec Keine protégeant le village des humains dans le 8e épisode), Yuuka décrira ses actions comme étant carrément un génocide. Voulant probablement qu’il n’y ait aucune victime collatérale, Alice transporte le joueur dans une autre partie du Makai, un magnifique fond avec une forêt, une rivière et une montagne s’offre alors au joueur. Le contraste avec le fond abstrait symbolisant le village est fort, ce qui peut faire penser que ce dernier a été fait ainsi pour souligner la beauté de ce nouvel endroit. L’association avec la nature renforce l’idée de pureté et d’innocence chez le personnage qui ne se bat que par extrême nécessité.
 
Alice en tant que marionnettiste se bat avec deux poupées, ce qui est intéressant puisque leurs patterns sont synchrones : ces assistants lancent des patterns à tête chercheuse dans deux directions différentes pendant qu’Alice tente d’enfermer le joueur dans une zone pour restreindre ses mouvements. Un de leurs patterns (ci-contre) est extrêmement intéressant. Il consiste pour les deux poupées à ouvrir un portail dimensionnel relâchant une nuée de projectiles qui s’abattent au hasard sur le terrain pendant qu’Alice tire des projectiles à tête chercheuse, forçant le joueur à ne pas rester au même endroit (EDIT : il existe une technique extrêmement simple pour éviter ce pattern, dommage que je ne m’en sois rendu compte qu’à mon quatrième 1CC…).
 
Dans le 4e stage on traverse un lac gelé, ce qui est une référence à l’enfer de glace de la Divine Comédie de Dante. On trouve deux boss pour ce stage : Yuki, une sorcière de feu et Mai, une sorcière de glace. Les patterns des deux boss sont très recherchés, ils sont encore une fois synchrones mais sont beaucoup plus complexes. L’idée d’un pattern rendant plus difficile la traversée d’un second pattern est poussée encore plus loin et les deux boss se déplacent sans cesse pour ajuster leur pattern, ce qui rend le combat un peu chorégraphique. En plus d’éviter les projectiles ennemis, le joueur doit aussi faire attention où il tire puisque la première partie du combat s’achève avec la mort du boss qui a été le plus souvent touché, la seconde partie commence avec le boss survivant. Les deux boss possèdent leur propre thème musical et possèdent des patterns complètement différents. Il est possible de choisir le boss avec lequel on a le plus de facilité mais un des deux possède des patterns plus facilement évitables que l’autre. On retrouve donc l’idée de boss alternatif qui favorise la rejouabilité du titre. Difficile de parler de tous les bons patterns qu’ont les deux personnages, je mentionnerais surtout l’un de Mai. Il consiste à faire tourner très rapidement autour d’elle 5 lignes (ça donne l’impression d’être sur une roulette) qu’elle immobilise à un endroit au hasard en même temps qu’elle envoie des projectiles. Lorsque les lignes sont immobiles un laser les traverse instantanément, le joueur doit suivre les lignes ainsi que les projectiles pour survivre et n’a que quelques fractions de seconde pour réagir. Patchouli copiera ce pattern dans le jeu suivant.
 
Pour en finir sur les deux boss, leur personnalité et relations sont relativement intéressantes. Yuki, dont le nom est paradoxal (neige) alors qu’elle se bat avec une magie de feu, parle beaucoup et mène la conversation alors que sa collègue est taciturne (ZUN arrive à exprimer son envie de se battre à un moment avec un <3 dans sa bulle de dialogue, ce qui est assez marrant) et semble savoir des choses qu’elle ne devrait pas (elle arrive à deviner que Mima est un fantôme à partir d’une remarque implicite). Lorsque Mai est battue, Yuki se met en colère et se bat avec plus de rage, à l’inverse si Yuki est battue, Mai ne semble pas éprouver de tristesse et se vante de pouvoir enfin se battre avec toute sa puissance maintenant que le « poids mort » a disparu. Par ailleurs le thème de Mai se nomme « Treacherous Maiden ~ Judas Kiss » : dans la Divine Comédie, Judas réside dans le dernier cercle des enfers, là où se trouvent enfermés les traîtres. Malgré ce qu’affirme Mai, elle possède des patterns plus simples que sa partenaire et Marisa lui fait même la remarque que ce n’était que du baratin. Vraiment un drôle de duo.
 
Le 5e niveau se déroule au Pandémonium qui est la capitale du Makai (ainsi que la capitale des enfers dans notre culture), le fond semble suggérer l’entrée du palais se trouvant au centre de la ville fantastique. À la fin du niveau, une nuée d’ennemis apparaît, recouvrant l’écran de projectiles de tous types pendant plusieurs dizaines de secondes, ce qui est extrêmement pénible à passer. Le boss du stage 5 apparaît pour protéger le dernier boss, il s’agit de Yumeko, une servante se battant à l’arme blanche. Si vous connaissez un tant soit peu la série la connexion avec Sakuya (un des personnages les plus importants de la série) doit vous paraître immédiate : deux servantes, boss de stage 5, se battant à l’arme blanche et possédant le même nombre de lettres et de syllabes dans leur prénom. La seule chose qui les différencie, outre leur apparence, est que Yumeko se bat avec des épées alors que Sakuya se bat avec des couteaux et peut manipuler le temps. Dans l’épisode 7, Sakuya parle du Makai comme si elle connaissait bien l’endroit à un moment, ce qui couplé avec le passé mystérieux du personnage pourrait signifier que Sakuya est en réalité Yumeko. Pour en revenir à l’affrontement, il est difficile et les patterns utilisés sont originaux. À gauche, celui qui retient le plus l’attention je pense, il s’agit d’un double pattern (le second est une variation plus difficile) où des colonnes de projectiles en pointes (puis de lasers) entourées d’épées sont tirées par rafales sur le joueur, très difficile de s’en dépêtrer.
 
Le dernier niveau voit le joueur rencontrer Shinki, la déesse créatrice du Makai et de tout ce qu’il contient ainsi que la responsable de ce foutoir. La musique du niveau s’appelle « End of the world« , elle se nomme d’abord ainsi puisque c’est la fin du monde de façon spatiale, le Makai étant un monde avec des limites finies. L’histoire est traitée de façon légère et comique, on nous dit que l’invasion des habitants du Makai dans le monde humain provient d’un problème d’agence de tourisme !
On serait tentés d’avoir une lecture au premier degré mais, au même titre que le Makai est un enfer alternatif et que Shinki est une représentation du diable, par sa mise en scène le combat de fin symbolise aussi la destruction du monde. En effet, la musique de l’avant-dernier niveau s’appelle « The Last Jugement » (Yumeko parlant même de punir le joueur pour ses péchés) et le dernier pattern de Shinki (à droite) la voit déchaîner tant de puissance qu’elle met son monde en feu, symbole de l’apocalypse qui est l’ultime fonction du Pandémonium dans notre culture. Quelle meilleure façon pour la saga PC-98 de s’achever que sur l’affrontement contre un dieu en pleine fin du monde ? Ajoutons à ça un sublime background 3D changeant d’animations et de couleurs pour épouser ce qui se passe durant le combat et la musique « Legendary Illusion ~ Infinite Being » captant à merveille la gravité du combat et le sentiment de fin du jeu.
 
Les patterns sont vraiment bien trouvés. L’un d’eux voit le joueur poursuivi par des sortes de longues chenilles qui sont une nouvelle sorte de projectiles. Très embêtantes au début, elles deviennent très simples et agréables à éviter lorsqu’on a le coup de main, la particularité intéressante est de pouvoir les éviter en s’aidant des sons qu’ils émettent une fois tirés. L’avant-dernier pattern (à gauche) est aussi beau qu’il est difficile, basiquement Shinki condamne presque toutes les parties de l’écran en tirant une vingtaine de lignes de projectiles qui ondulent gracieusement. Le joueur est confiné en bas de l’écran dans un espace minuscule qui varie de taille au gré de l’ondulation des lignes. Pendant ce temps Shinki tire de gros projectiles sur le joueur qui doit se démener pour les éviter. Le pattern possède deux autres phases, une où des lasers se rajoutent réduisant encore l’espace de manœuvre du joueur puis une autre où la cadence de tir des gros projectiles s’accélère, autant dire qu’il y a de quoi s’arracher les cheveux. À noter que ce pattern se retrouve également à la fin de Touhou 12 comme clin d’œil. Le dernier pattern est un pattern d’endurance où le joueur doit suivre un labyrinthe créé par Shinki, agréable mais plutôt simple en comparaison.

Je termine sur le niveau d’Extra qui a la particularité de se dérouler dans un monde similaire à celui d’Alice au pays des merveilles, on y affronte une nouvelle fois Alice qui, armé du Grimoire of Alice lui permettant d’utiliser la magie ultime, peut maintenant prendre sa revanche pour la défaite essuyée plus tôt. Le combat est aussi bien sinon mieux que l’affrontement final. Les patterns sont géniaux, le sublime background est un pentacle avec animations 3D qui changent de couleur au gré du combat et la musique The Grimoire of Alice est juste un des meilleurs thèmes d’Extra de toute la série.
A noter que l’Extra s’achève par une petite fin différente pour chaque personnage (seul Touhou à faire ça) suivi d’un générique de fin comportant le nom et le titre de tous les personnages de la saga PC-98, on sent que c’est la fin de cette dernière.


Un petit fanart bien classe pour finir

La série se termine en beauté sur PC-98. Mystic Square est l’épisode le plus abouti du support, la technique y est maîtrisée, la réalisation fait qu’on en prend souvent plein les yeux et renvoie les niveaux peu inspirés de Lotus Land Story très loin, le level design se renouvelle sans cesse et compte des patterns très originaux, les musiques sont dans l’ensemble de très bonne facture, la difficulté a été revue à la hausse, le jeu se rapproche des danmaku qui vont suivre avec un plus grand nombre de projectiles à l’écran, le système de scoring est très intéressant même s’il ne sert plus à rien pour la survie, enfin, la mythologie et les personnages du jeu sont passionnants si on prend du temps pour s’y intéresser.
Mystic Square fait partie des meilleurs Touhou, il devrait être un classique de la série comme le sont les épisodes 6, 7, 8 et 11.

Développeur : ZUN Soft
Date de sortie : fin 1998