Professeur Layton et l’Appel du Spectre [NDS]
Après avoir contribué au renouveau du jeu d’aventure et signé un des meilleurs jeux du genre sur le support, Level 5 nous dessert un quatrième épisode pour sa série de jeux à énigmes : Professeur Layton. Cet opus marque un tournant dans la saga puisque la trame s’y déroule plusieurs années avant celle des autres épisodes. Layton 4 est-il à la hauteur de ces attentes ?
Une fois n’est pas coutume, je ne traiterai ici que des nouveautés apportées par ce nouvel épisode en omettant tout ce qui a déjà été fait et tout ce dont j’aurai déjà parlé. Si vous voulez lire une analyse détaillée de la série je vous renvoie à mon premier article réalisé sur un jeu Professeur Layton.
Nommé professeur depuis peu, Hersel Layton reçoit une lettre de son ami d’enfance Clark Triton. Celui-ci, alors maire de la petite ville de Misthallery, lui demande de l’aider : la nuit, un gigantesque monstre légendaire apparaît dans la ville brumeuse pour semer la destruction. Le professeur accompagné de sa nouvelle assistante rejoint bien vite leur destination où ils trouvent un petit garçon disant prévoir les apparitions du spectre et d’étranges rumeurs concernant une sorcière ainsi qu’un étrange corbeau noir.
Autant vous le dire tout de suite, Layton 4 n’a pas une construction scénaristique aussi étoffée que Layton 3, même s’il aurait été difficile de faire mieux, ou ne serait-ce qu’égaler le travail effectué précédemment et on retombe dans les standards de la série. La petite composante émotionnelle (qui est une constante depuis le deuxième opus) est toutefois toujours présente en fin de jeu et donnera la larme à l’œil à bon nombre de joueurs.
Comme vous l’aurez sûrement compris, le professeur Layton est encore une fois accompagné de son inséparable compagnon Luke. Cependant, ce dernier se retrouve être, dans cette préquelle, en culotte courte. Rassurez-vous cependant, bien que l’œuvre soit plus enfantine que les autres opus, Luke fait preuve d’une grande maturité pour son âge, donc pas de changement de caractère important à signaler chez le personnage.
Level 5 a dû remarquer que la gestion d’un groupe de personnages était un sérieux atout scénaristique et nous retrouvons donc un troisième personnage accompagnant le duo en la personne d’Emy Altava. Cette dernière apporte beaucoup à l’aventure et, si on ne peut s’empêcher de la comparer à Flora, c’est en fait l’exact opposé du personnage. Comme Luke et Layton, Emy est un personnage de premier plan, à contrario de Flora, elle est présente du début à la fin du jeu et participe activement aux dialogues. De plus, l’assistante du professeur est loin d’être, comme sa consœur, un personnage creux : si Flora était le stéréotype de la jeune fille frêle, passive et capricieuse, Emy est un personnage mature car adulte, qui participe activement à l’enquête et qui ne se laisse pas faire grâce à sa maîtrise des arts martiaux et à une condition d’athlète.
En outre, ce qui se charge une nouvelle fois de rendre le jeu très prenant, c’est un nouveau système de description. Celui-ci s’inscrit dans la continuité des nombreuses évolutions mineures qu’apporte Level 5 sur chaque nouveau jeu de la série. Alors que chaque jeu semble identique et parait ne pas pouvoir évoluer plus, Level 5 continue d’améliorer l’accessibilité et le confort de jeu à chaque nouvelle itération. La série fait encore une fois figure d’exemple pour le jeu d’aventure et on espère voir le genre s’en inspirer pour se libérer de certaines mécaniques poussives qu’il traîne depuis un moment déjà.
Mais trêve de palabres élogieuses, en quoi consiste ce système de description ? Point’n’clickers de tout poil, vous n’y faites sûrement plus attention, mais vous avez déjà dû faire le constat suivant : lorsque vous cliquez sur un élément du décor, dans un jeu d’aventure, le personnage en fait une description et si vous recliquez sur cet élément, le personnage refera la même description encore et encore. Dans L’Appel du Spectre, le fait de cliquer une seconde fois sur un élément du décor déclenche une description de l’élément faite par un autre personnage, lorsque tous les personnages ont fini de parler, l’interaction avec l’élément disparaît et ne se réactive que lorsque vous quittez l’écran et revenez. Le petit plus, c’est qu’un personnage peut rebondir sur une description antérieure faite par un autre personnage et que des petits dialogues se forment ainsi. Bien sûr, les avantages premiers de ce système sont un gain de réalisme et de confort, cependant les multiples changements de point de vue sont intéressants pour le joueur et les dialogues qui en découlent renforcent l’impression de vivre l’aventure au coté des personnages.
Un autre atout scénaristique important est la présence d’épisodes à regarder. Ceux-ci se débloquent en parlant avec certains personnages ou en résolvant certaines énigmes. Ils consistent à visionner de courtes cut-scenes centrées sur un personnage ou un événement en particulier. Un très bon moyen pour développer le background des personnages secondaires qui est d’ordinaire peu étoffé.
Toujours dans les évolutions mineures, on peut citer pêle-mêle :
– La forte utilisation d’énigmes dynamiques. Dans le prolongement des duels d’énigmes du troisième épisode, celles-ci consistent en la résolution d’énigmes placées dans le décor, sans aucune transition d’écran. Elles s’ancrent donc dans ce qui se fait plus traditionnellement dans le jeu vidéo et brisent la rupture qu’il y avait entre phases d’exploration et résolution d’énigmes.
– La présence de quelques éléments du décor interactifs (sonnettes qui sonnent, panneau qui tombe, boîtes aux lettres qui s’ouvrent, etc.), néanmoins ils sont concentrés en début de jeu.
– Dès que l’enquête progresse significativement, le professeur Layton prend à témoin le joueur en lui demandant de résoudre une partie du mystère par le biais d’un quiz.
– De nouveaux types d’énigmes sont maintenant proposés comme les énigmes vous voyant affronter une IA au tour par tour.
– Des petites souris traversent parfois fugitivement l’écran, toucher 10 d’entre elles débloque leur mini-jeu associé. C’est à souligner, car c’est la première fois dans la série que l’on fait appel aux réflexes du joueur. Même si ça reste quelque chose de très annexe, on peut se demander ce que cela présage pour les futurs jeux de la série, Level 5 sacrifiera-t-il une partie de la grande accessibilité qui caractérise la série ?
Les 3 mini-jeux chargés de diversifier le jeu sont toujours présents. On retrouve d’abord le mini-jeu « Mini Express » consistant en un jeu de parcours où vous devez guider une locomotive pour qu’elle passe par toutes les stations du niveau en récoltant le plus d’essence au passage. La réalisation est strictement la même que le mini-jeu de la voiture apparaissant dans Professeur Layton 3, la façon de jouer change cependant. Le seul bémol consiste en la présence d’objets en mouvement qui vous forceront à faire de nombreux essais avant de trouver un chemin menant à l’arrivée.
Le second mini-jeu est celui du « Poisson », l’animal avançant en ligne droite dans son bocal, il vous faudra le faire rebondir en disposant des bulles dans un ordre précis, pour qu’il collecte toutes les pièces contenues dans son bocal dans un temps limité. Un mini-jeu très sympa bien qu’assez simpliste, à noter que cet animal de compagnie ne participe pas du tout à l’aventure contrairement au volatile de l’épisode précédent.
Enfin, nous retrouvons le mini-jeu « Marionnettes » où le joueur doit aider au bon déroulement d’un spectacle de marionnettes en donnant aux acteurs les bonnes directives au bon moment. Ce dernier mini-jeu se base sur le principe des mini-histoires de Layton 3, le système de directives est cependant bien plus limité que celui des objets à placer. Ça reste un mini-jeu agréable, qui dispose d’une réalisation artistique originale et son côté narratif est toujours agréable à voir.
Un quatrième mini-jeu du nom de « London Life » est également intégré dans les versions américaine et japonaise du jeu, nous n’y aurons pas droit, pauvres européens, à cause d’une traduction jugée trop conséquente pour être mise en œuvre. Le mini-jeu étant bien plus long que ses confrères (la rumeur voudrait qu’on puisse y passer une centaine d’heures). Le mini-jeu a même été réalisé par des développeurs externes : Brownie Brown, ce qui est un fait assez rare pour être souligné.
De mon avis personnel, il s’agit du plus beau Layton d’entre les quatre. Misthallery est à la fois une ville à l’architecture complexe et intéressante : la ville possède de nombreux canaux la traversant lui donnant un petit air de Venise, une très belle arche séparant deux côtés de la ville et une grande place vraiment impressionnante ; mais c’est aussi la ville la plus rustique qu’on ait pu voir dans un Layton : des maisons et des ponts, presque primitifs, servent à traverser la ville et des lieux respirant la campagne de toutes parts (la résidence Triton, la bibliothèque, le faubourg paisible, etc.) constituent la ville.
Enfin, je ne peux m’empêcher d’évoquer la verdoyante forêt et les lugubres alentours du manoir. Ces lieux mettent en avant la gestion du brouillard et des effets de lumière dont bénéficie cet épisode (une évolution technique dans un Layton !?) et subliment encore les environnements du jeu. À noter, anecdotiquement, qu’un court passage à Londres est aussi prévu, apportant un vent de fraîcheur bienvenu.
Les musiques ne sont pas en reste, comme toujours on retrouve de très bons thèmes qui rythment à merveille le jeu. Quelques exemples : « L’appel du spectre« , la musique de l’écran titre possédant quelques airs de tango, « Le marché noir« , retransmettant parfaitement l’ésotérisme et le mystère entourant l’endroit, « L’affrontement final« , « Action !« , « Les brumes de Misthallery« , « Enquête et déductions« , les thèmes des différents mini-jeux (« Le poisson« , « Le Mini Express« ), ou le « Thème de Descole« . On trouve, comme toujours, des reprises sympathiques (« Thème de Layton« , « Dans les rues de Londres II« , « L’histoire de la ville« ).
Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de suivre les aventures du professeur, je rappelle que le jeu est toujours entièrement doublé en français et illustré par de superbes cinématiques.
Le jeu est moins long que son grand frère et la durée de vie s’échelonne à quelque chose compris entre dix et quinze heures pour l’aventure principale (ce qui fait cinq heures de moins que Le Destin Perdu). Le jeu comporte tout un tas de défis supplémentaires, augmentant la durée de vie : la recherche des objets et épisodes non trouvés, les énigmes restantes, les mini-jeux à compléter, les énigmes hebdomadaires, les « Défis du professeur » (des énigmes vraiment corsées) ainsi qu’une énigme bonus si vous avez acheté le prochain Professeur Layton. À noter que les « Défis du professeur » sont, dans cet épisode, particulièrement corsés, mention pour l’ultime énigme, en deux parties, qui arrachera les cheveux à bon nombre d’entre vous.
Les bonus restent les mêmes que dans les autres opus : galerie de personnages, CG, Jukebox, possibilité de revoir toutes les cinématiques, etc.
Même si cet épisode ne dispose pas de la qualité scénaristique qui a fait le succès du Destin Perdu, il compense ailleurs. D’abord par sa sublime réalisation artistique, mais aussi grâce à l’ajout du personnage d’Emy qui apporte beaucoup à l’aventure et enfin par l’inclusion de plein de bonnes idées (les épisodes à visionner, le nouveau système de description, le court passage à Londres en milieu d’aventure, les énigmes dynamiques, etc.). Au final, L’Appel du Spectre propose au joueur de se rendre dans la très belle mais non moins mystérieuse ville de Misthallery, où il vivra une nouvelle aventure aux côtés du Professeur Layton durant laquelle il sera sûr de prendre son pied.
Développeur : Level-5
Date de sortie : 2011
Article publié originellement sur Gamekult le 24/02/2014